Donner goût à l’art et à l’histoire

6e édition de «Saveurs et Savoirs du Sud: rendez-vous avec la Sicile», à Dar Bach Hamba

Elle est plate, sa visière protège du soleil et de la pluie et son élastique permet de la garder sur la tête. Pas de coups de vent à craindre quand on est coiffé de la «coppola».

«On peut la porter, penchée ou non, visière basse ou haute, cachant ou non les yeux et chaque détail révélait une place dans la hiérarchie, une attitude, ou une intention…», explique Tindara Agnello, créatrice de «la Coppola Storta» lors d’une conférence tenue à l’occasion de «Saveurs et Savoirs du Sud : rendez-vous avec la Sicile», une manifestation organisée, pour la sixième année consécutive, par la section culturelle de l’ambassade d’Italie, avec l’appui de la région de Sicile et le concours de la Fondation Orestiadi et de Mediservices,

Du 10 au 17 avril, à Dar Bach Hamba, (Casa Sicilia), Tunisiens et Italiens se sont rencontrés, pour évoquer le passé et raconter le présent. Ils ont parlé des saveurs de la Sicile qui ne sont pas étrangers à nos goûts, rappelant une époque (le début du XXe) où les Siciliens partageaient nos terres, nourrissaient nos fruits et enrichissaient nos recettes…

On s’est fixé donc rendez-vous avec une Sicile qui s’est bien incarnée dans notre histoire comme dans notre culture, mélangeant ses savoirs et ses saveurs.

Ce métissage a pris une forme bien originale au cours d’une conférence, qui a eu lieu vendredi dernier. On associe la coppola à la chéchia en racontant leurs histoires et leurs symboles. On explique leur métamorphose et on passe en revue les avatars de leurs fabrications réciproques. On expose aussi de nouvelles coppole créées à partir de tissus traditionnels tunisiens (créations d’artistes des deux pays).

«Avant, aucun Tunisien, comme il faut, n’osait pas sortir de chez lui la tête nue. La chéchia et spécialement la chéchia testouri est portée d’une manière systématique dans tout le territoire tunisien. Elle faisait la fortune des commerçants», raconte Fatma Ben Becher, experte dans les coutumes et traditions de Tunisie. Avec Mohamed Messaoudi, un célèbre commerçant de chéchias, elle a démontré les étapes de la fabrication de ce couvre-chef: du filage jusqu’à la finition en passant par le tricotage, le foulage, le cardage et la teinture.

Sur une table, plusieurs articles sont donc exposés : les premières formes de la chéchia, (des grands bonnets tricotés) , des chéchias non teintées, les chéchias rouges et colorées, les chéchias testouri et les chéchias stambouli, ainsi que les chéchias féminines sur lesquelles sont brodés des motifs traditionnels à la mode.

A côté, on place plusieurs modèles modernes de «coppole». «Jadis, ce couvre-chef était longtemps associé à la Mafia sicilienne. Il est aujourd’hui commercialisé en plusieurs couleurs et formes. Il est devenu essentiellement féminin, fabriqué par les femmes dans les régions les plus démunies de la Sicile», ajoute Tindara Agnello.

 Art et Mafia

La Mafia constituait d’ailleurs le thème central de la manifestation. Elle est traitée à travers une rencontre baptisée «Mafia, un mot à effacer : la voix de la société civile» qui a été précédée par la projection d’un court métrage, celui de Manuel Giliberti, Giovanni falcone, i giorni delle speranza et d’un film I cento passi, de Marco Tullio Giordana. Une dégustation des produits des terres confisquées à la Mafia s’est déroulée à la fin de la rencontre.

Mais qui dit Sicile, dit aussi art. Durant cette semaine, gravures, peintures, photographies, céramique, musique et gastronomie sont mêlées et entremêlées au plaisir de l’œil, de l’ouïe et du goût. D’abord, il y a Icônes, de Niccolo D’Alessandro, artiste sicilien né en Libye et auteur de «La vallée de l’apocalypse», (la plus longue gravure du monde exposée en avant-première en 1992 à New York) ; ensuite, la «Belle Sicile», peinte par la palette d’Edoardo Liprino, artiste sicilien, né à Tunis. Les couleurs s’étalent également dans les photos d’Antonio Claudio Cannizzaro, ainsi qu’à travers la céramique de Maria Tasca, production de Caltagirone.

Quant à la musique, elle était représentée par un spectacle tenu à l’ouverture de la manifestation, intitulé «Les Pierres qui s’allument». Et on réserve la clôture à la gastronomie sicilienne avec l’assistance de l’écrivain gastronome, Ezio Trapani, et le staff de l’Institut hôtelier pilote «Paolo Borsellino» de Palerme. Maruzza Loria et Serge Quadruppani ont prononcé le mot de la fin à travers la présentation du livre A la table de Yasmina.

Ils ont ainsi donné goût à l’art et à l’histoire.

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