Grandes aspirations, petits moyens

37e session du festival du théâtre amateur de Korba

Mardi dernier, 21h30. Aucune lumière ne surgit du théâtre de Korba (collé à la maison de la culture). Aucune personne n’attend devant les portes… Le calme est étrange pour une quatrième soirée de la 37e session du festival du théâtre amateur de Korba qui a démarré samedi dernier (encore une manifestation qui coïncide avec deux autres au Cap Bon : le Fifka et le festival du film maghrébin de Nabeul). Etrange ?  » Pas tellement, le public n’est pas encore arrivé, c’est tout. Il est encore tôt. Les représentations ne commencent qu’à 22h00», explique un des organisateurs.

Dans les bureaux de l’association, le comité du festival achève sa réunion de dernière minute. Tandis que les comédiens, metteurs en scène et techniciens se rassemblent progressivement dans le patio pour une nuit de théâtre supplémentaire. A l’affiche, la pièce «L’avenue» de l’association théâtrale d’Al Battan.

Tout le monde semble décontracté, sauf Sana Khémir, secrétaire générale de l’association, chargée de l’information, de la communication et des archives. Cette jeune ressortissante de l’Institut de presse et des sciences de l’information, amoureuse du théâtre depuis son jeune âge, a toujours été fidèle au festival de Korba. D’un pas de félin, elle oscille entre la maison de la jeunesse—où logent les participants—et la maison de la culture où se déroule le festival. Elle gère les difficultés du quotidien et assure le plus de confort possible à toute personne invitée…

Malgré la fatigue, elle paraît heureuse : «Ce qu’on a fait, cette année, est une réelle révolution. On a essayé de rompre avec les traditions du passé», déclare-t-elle. Pas de complaisance dans la sélection des pièces de théâtre… Pas de personnes intruses ou imposées…

Le nouveau comité «provisoire», précise-t-elle, composé mi-juin dernier, comporte une majorité de comédiens et d’hommes de la scène qui connaissent les difficultés du métier. Le président est Hassen Hamada, un journaliste et critique de théâtre. Le jury de ce festival se compose de Fethi Akkari, comme président, Sofiène Chebil et Sami Nasri. «Notre objectif est de rendre au festival du théâtre amateur de Korba ses titres de noblesse», précise la même Sana Khémir.

Cette dernière, chargée aussi des archives, a toujours en tête l’époque où le festival de Korba était un passage, presque, obligé, aussi bien pour les hommes de théâtre, amateurs et professionnels, que pour les journalistes… Elle nous montre, avec fierté, les photos accrochées sur les murs du local de l’association. Des photos de scène et des portraits… qui racontent une histoire glorieuse et heureuse. Rappelons que le festival du théâtre amateur de Korba a été lancé en 1964, tout d’abord comme festival local, pour devenir, en 1965, régional, puis en 1971, national.

Le même budget…

Ce festival a connu des années en dents de scie. Il a toujours eu des difficultés financières de taille, surtout cette dernière décennie. Le budget octroyé par le ministère de la Culture n’a pas évolué depuis longtemps (12 mille dinars). Le festival survit grâce à une petite aide de la mairie de Korba… «On se débrouille avec les moyens du bord, mais il est difficile d’évoluer dans ces conditions», précise Sana Khémir.

Le programme de cette édition comporte neuf pièces théâtrales, sept produites par des troupes de théâtre amateur et deux par des troupes professionnelles, dont les  »Oiseaux » de la société  »Isis pour la production », programmée à l’ouverture de cette manifestation et  »Lettre à ma mère » de la société  »Beffalo Art », réservée à la clôture.

La compétition des troupes de théâtre amateur comporte plusieurs créations:  »Houfatan ôurat » (association Noujoum Al Masrah de Korba),  »Klam Ki Edhlam » (Association de la promotion théâtrale d’El Hancha),  »Etape tardive » (Association du théâtre arabe de Hammam-Sousse),  »L’avenue » (association Excellence du théâtre d’Al Battan),  »Ghazil El Banat » (association de l’Etoile théâtrale de Gafsa),  »Saisons » (association de la Renaissance théâtrale de Bizerte),  »Rapports » (association Al Ibdaa Al Masrahi de La Manouba).

Comme de coutume, deux stages de trois jours chacun sont organisés en marge du festival. Le premier est réservé au  »théâtre des opprimés », animé par Abdelmonêm Chouiket, et le second porte sur le  »rythme du corps » assuré par une spécialiste, Victoria Okhritskaya.

Au programme également, trois rencontres autour de thèmes techniques, à savoir :  »Des expériences assimilées au théâtre en Tunisie »,  »Le chant épique de la troupe populaire des Gobentone » du Sud-Est tunisien et  »Quatre méthodes pour la direction d’acteur ». Quant à la première rencontre, programmée pour le 5 septembre et qui devait se dérouler autour du thème  »Introduction à la lecture de la pièce « Familia » de Fadhel Jaïbi », elle a été remplacée par un débat sur l’avenir du théâtre amateur en Tunisie en général et du festival de Korba, en particulier.

Les maux du secteur sont nombreux : des conditions de travail lamentables, un manque de reconnaissance flagrant… et la liste est longue. Pour Sana Khémir, il est temps aujourd’hui d’en finir avec cette politique de marginalisation qui a fait répandre la médiocrité. Il faut, désormais, réfléchir à des stratégies pour combler les brèches et faire évoluer cet art et cette passion.

Ce festival a toujours puisé son énergie dans l’amour et dans la passion des gens qui y croient. Cela est important, et même essentiel, mais insuffisant pour aspirer à une grande évolution et à une vraie révolution.

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