Joindre l’utile à l’agréable

Rencontres chorégraphiques de Carthage – «Biped» et «Pond Way», chorégraphies de Merce Cunningham

Programmer des projections de films de danse est apparemment une nouvelle fantaisie de la 9e session des Rencontres chorégraphiques de Carthage. Une fantaisie que l’on apprécie malgré tout. Jeudi dernier, sur l’écran du 4e Art, on a diffusé deux films ,«Biped» et «Pond Way», chorégraphies de Merce Cunningham, l’un des créateurs les plus influents et les plus novateurs du XXe siècle, décédé à l’âge de 90 ans, le 27 juillet 2009.

Prévoir un spectacle vivant de la compagnie Cunningham aurait été, sans aucun doute, irréalisable. Pour lui rendre hommage, on ne peut que se contenter d’une copie, hélas de mauvaise qualité, mais qui sert quand même à donner une idée sur le travail assez particulier de Merce Cunningham, considéré comme le pape de la danse contemporaine américaine de ces trente dernières années.

«Biped» est un croisement d’images numériques mouvantes qui sont projetées à l’avant d’une scène noire sur laquelle des danseurs exécutent une partition chorégraphique. A travers une superposition d’images, le mouvement donne l’impression de s’allonger jusqu’à sortir de son cadre et se poursuivre dans une atmosphère complètement différente. Les danseurs semblent glisser à travers les lieux et les espaces, faisant un va-et-vient entre des lieux urbains et les scènes sombres.

Le deuxième film, «Pond Way», est une pièce créée parmi 200 œuvres chorégraphiques, signées par  Cunningham. Elle est le fruit d’une rencontre spéciale entre ce concepteur hors norme et Brian Eno, figure emblématique de la musique électronique. «Pond Way» est une pièce «d’une force figurative rare chez cet artiste de l’abstraction. Elle transcrit dans les corps la vie qui grouille à la surface d’un étang vert», selon une présentation. Cette pièce unique  a été filmée au studio de Mulhouse par le réalisateur fétiche de Cunningham, Charles Atlas.

On a vu comment les gestes épousent pour la première fois les notes et comment cette rencontre hasardeuse entre la danse et la musique peut créer la magie du mouvement. L’ordre des phrases de danse, l’entrée en scène des danseurs, la succession des séquences de musique sont soumis au hasard. Pour Cunningham, la danse n’est pas un vecteur d’émotion mais une source de beauté inédite. Le chorégraphe exploite le moindre mouvement et  cherche la musicalité interne d’un corps, habité par une énergie diabolique.

«La danse ne vous donne rien en retour, ni manuscrit à vendre, ni peinture à mettre sur les murs, ni poème à imprimer, rien que cette sensation unique de se sentir vivant», a confié un jour Merce Cunningham au Figaro. Chez nous, cet hommage le ravive pour la première fois et donne la possibilité à un public non connaisseur de découvrir et d’apprécier ce géant de la danse.

C’est dans ce sens que ces projections rejoignent l’utile à agréable. Mais il fallait réfléchir peut-être, dans les sessions à venir, à une meilleure exploitation de ce créneau important.

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