Semaine du cinéma allemand – Et puis les touristes, de Robert Thalheim
Parmi les longs-métrages sélectionnés pour la semaine des films allemands, qui se déroule actuellement à la salle L’Alhambra à La Marsa, figure Et puis les touristes de Robert Thalheim, sorti en 2007. Un film qui intrigue par sa douceur et effraye par le drame qu’il décrit.
Sven, un jeune Allemand, arrive un jour sur le quai d’une gare de la ville polonaise d’Oswiecim (Auschwitz en allemand) pour y effectuer son service civil. Sa tâche consiste à s’occuper d’un survivant du camp de concentration, Krzeminski, qui travaille pour le musée en réparant les valises autrefois confisquées aux juifs par les nazis.
L’ancien détenu a du mal à accepter la venue du jeune Allemand chez lui et leur relation n’a pas été sans tension. Pourtant pas une once de violence n’est sentie à travers ce long-métrage. Cette tension est interne. Elle est seulement révélée par des regards foudroyants du vieillard et par le timbre sec de sa voix fatiguée. Avec beaucoup d’intelligence, le réalisateur confronte les personnages en superposant avec délicatesse le passé et le présent, la vieillesse et la jeunesse.
Ainsi est retracée l’histoire de la cité de la Mort à travers des images flottantes et incertaines qui émanent des souvenirs usés de Krzeminski et des observations fraîches de Sven. L’immense complexe concentrationnaire de jadis, devenu aujourd’hui un village ouvert aux touristes, est illustré en petites touches délicates, sans tambours ni trompettes. C’est à travers le regard de Sven que l’on découvre Auschwitz et c’est aussi à travers sa relation avec Ania que l’on s’insert dans la vie quotidienne de ses habitants.
Sven oscille ainsi entre deux univers :celui d’Ania et celui de Krzeminski. La jeune fille, comme plusieurs gens de sa génération, n’a pas connu la guerre. Dynamique et ambitieuse, elle incarne l’image d’une jeunesse qui, le jour, lutte pour sa survie et, le soir, danse la techno. Une jeunesse qui souffre sans cri ni larmes, insoucieuse de ce passé douloureux qui lui sert de décor.
De l’autre côté, on trouve Krzeminski, un octogénaire aigri et buté qui se croit indispensable à la vie à Auschwitz. Mais au bout du compte, à l’occasion des commémorations des martyrs de la guerre, Krzeminski tombe des nues. Il constate que son histoire n’a plus d’impact sur les habitants et que son existence même n’est plus utile à leur survie. “ Ce que j’ai vécu n’est plus important, “ La Liste de Schindler ” ne leur fait plus d’effet ”, finit-il par comprendre.
La force du film réside dans cette subtilité avec laquelle ce drame d’une grande cruauté est filmé et dans cette manière de formuler une injustice émouvante sans colère, ni ressentiment.