Festival du théâtre amateur de Korba
«Une pièce médiocre (…) une mise en scène banale (…) un concept ridicule (…) un jeu d’acteurs qui laisse à désirer (…)». Les amateurs du théâtre à Korba ne mâchent pas leurs mots lorsqu’il s’agit de critique. Lors des débats qui suivent les représentations théâtrales, acteurs et metteurs en scène attaquent parfois sans ménagement leurs «victimes » jusqu’à la dérision.
C’était le cas avec Kays Habib de la troupe Ennoum, qui a présenté, en première, Le roi inquiet (d’après le texte de Taoufik el Hakim). Sur le ring du débat, les coups pleuvent et le pauvre metteur en scène est mis à mal dès les premières minutes.
Ce dernier, également auteur et comédien de la pièce, rêve depuis huit ans de monter sur la scène de Korba. Son rêve tourne au cauchemar et les discussions dérapent malgré les efforts des organisateurs pour calmer la tension. Certains vont jusqu’à pointer du doigt le festival qui, selon eux, a laissé passer entre les mailles de la sélection des œuvres d’un tel niveau. «Le festival de Korba n’est plus le même, il est mort et enterré», s’enflamme un homme de théâtre en colère.
Une condition de trop
Le choix des troupes en compétition est la responsabilité d’un comité de sélection, considéré depuis des années comme un pilier du festival. Ce comité est composé d’un homme de théâtre amateur et président du festival, Kamel Daass, d’un membre de la Fédération tunisienne du théâtre, Ismaïl Boussellama, d’une universitaire, Sana Khémir, et d’un membre de l’Association du festival, Slim Karbaa. Par souci de transparence, les critères de sélection sont mentionnés dans le 1er numéro du bulletin journalier du festival: on prend en considération «le texte, le jeu d’acteurs, la complicité, la présence scénique, le costume, le maquillage, la chorégraphie, le décor, les accessoires, la scénographie, la musique, la lumière, le son et la mise en scène».
Parmi treize propositions, on en choisit six. «Il est vrai que la qualité des pièces de théâtre candidates à la compétition pose problème», reconnaît Kamel Daass. Ce dernier croit que les défaillances viennent du manque de disponibilité des acteurs, qui sont souvent dénichés parmi les élèves et les étudiants. «Le festival exige des représentations récentes, réalisées en 2010. Ce qui rétrécit notre palette du choix et pousse les troupes à travailler dans la précipitation», explique encore le directeur. La condition sera donc révisée. Dès l’année prochaine, le festival retiendra les pièces des troupes amateurs réalisées durant la saison culturelle.
Manque d’argent, manque de qualité
Chaque session est née à partir de l’évaluation critique de la session précédente. C’est la coutume. La programmation se base aussi sur un sondage d’opinion réalisé auprès des associations théâtrales et des critiques. Elle tient compte de leurs propositions et de leurs remarques. Autre conseiller et allié important de cette année: la Fédération tunisienne du théâtre, sous la présidence de Moncef Souissi. «Durant mes quatre années de présidence, cet organisme m’a toujours soutenu, surtout pour cette session. Un soutien matériel et professionnel. Il est le partenaire, par excellence, du théâtre amateur», ajoute le président du festival. Une aide qui tombe à pic.
L’association, comme tout organisme artistique bénévole, est en manque de moyens financiers. Elle doit se débrouiller avec un budget de 21 mille dinars (12 mille sont octroyés par le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine et 9 mille par la municipalité de Korba). Les promesses des sponsors, elles, ne sont pas tenues. Et les entreprises privées font la sourde oreille. Pour survivre, un forfait symbolique de participation a été imposé aux associations de théâtre amateur. «Loger 80 personnes dans une ville qui n’a pas d’hôtel est un vrai casse-tête», avance par ailleurs Kamel Daass. Les invités du festival sont accueillis dans les murs de la maison de la jeunesse, ce qui qui entrave l’évolution du festival. «Mais nous sommes en train de chercher des solutions à ce problème de taille», promet encore Daass.
Côté scène, le directeur du festival est content des efforts entrepris pour améliorer les conditions des représentations en plein air. Selon lui, le festival est prêt pour miser sur la qualité.
Kamel Daass soutient que le théâtre amateur est en bonne santé. Les professionnels travaillent en collaboration étroite avec les amateurs et cet échange ne peut être que fructueux. Mais, pour présenter un travail de qualité, les associations font appel, dans la majorité des cas, à des directeurs artistiques d’une certaine pointure, «qui demandent une rémunération conséquente (pas moins de 5.000 dinars).
Si un festival national trouve du mal à alimenter sa caisse, je me demande comment une troupe d’amateurs pourrait retrouver des ressources afin d’acheter la qualité?»