le monde du silence s’exprime

La 8e séance scientifique : «le présent et le futur de l’archéologie maritime», avec Wafa Ben Slimane

L’histoire de l’archéologie maritime en Tunisie commence par une découverte hasardeuse d’un site archéologique sous-marin, l’épave de Mahdia. En 1907, des pêcheurs d’éponge ont mis la main sur le «trésor» d’un navire grec qui aurait sombré entre 80 et 70 av. J.-C. Cette découverte a été suivie par des opérations de pillage. De 1907 à 1913, des fouilles de sauvetage ont été menées avec Louis Poinssot et Louis Drapier…

Jacques-Yves Cousteau et Philippe Tailliez ont repris l’expédition, en 1948, en s’aidant de scaphandres autonomes, ce nouvel outil ayant de grandes répercussions sur les techniques d’archéologie sous-marine. Une nouvelle fouille a eu lieu en 1953-1954, menée par Guy de Frondeville.

Il a fallu attendre 1994 pour que les tunisiens mettent officiellement la main à la pâte et fondent un département d’archéologie maritime au sein de l’Institut national du patrimoine. Des fouilles ont été menées en collaboration avec une équipe allemande du Rheinisches Landesmuseim de Bonn. Depuis, il n’y a plus rien.

L’histoire s’arrête là. «Il est vrai que les travaux avancent à petits pas, mais nous sommes, malgré tout, très optimistes», déclare Wafa Ben Slimane, au cours de la séance scientifique qu’organise l’INP chaque dernier mercredi du mois. La jeune chercheuse a parlé d’un présent inquiétant, certes, mais pas pour autant désespérant. «Si on commence par la sensibilisation des acteurs en relation directe avec les mers et la formation de compétences scientifiques dans le domaine, le décollage sera sûrement plus facile», observe-t-elle.

Le tableau qu’elle a dressé est pourtant noir. Apparemment, il est difficile aujourd’hui de réaliser un inventaire précis de tous les trésors enfouis en mer. Les sites archéologiques sont vulnérables, peu précis et donnent l’impression de flotter au rythme des vagues qui les couvrent. En revanche, quelques sites sont mis à nu et décrits dans des articles publiés par Fethi Chelbi. Parmi eux, celui des îles de Zembra, de La Galite, de Borj El Hassar… Mais il reste beaucoup à découvrir.

1.300 km de côtes sont actuellement menacés. Et pour cause! la régression des plages, l’évolution du matériel de plongée de loisirs, les activités pétrolières, le chalutage excessif, l’extension des villes côtières, le pillage… et la liste est longue… «Le plus grand danger, c’est la passivité. Il faut d’abord agir et ne pas rester les bras croisés et subir l’inévitable. Avec le peu de moyens que nous possédons, nous devons nous prendre en charge pour sauver ce patrimoine invisible. La prudence est nécessaire mais elle ne doit pas être handicapante», s’enflamme Ben Slimane.

Assurée par une assise juridique solide, la chercheuse déploie ses ailes et entame sa stratégie de sauvetage. La première étape consiste à signer des conventions de coopération avec la fédération des activités subaquatiques en Tunisie, la marine nationale et les 10 clubs de plongée en activité. Cette convention comporterait, avant l’entreprise des fouilles, une campagne de sensibilisation assez poussée, pour mettre en confiance les plongeurs.

En peu de temps, l’épave de Mahdia ne sera plus le seul site archéologique maritime connu en Tunisie.

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