Même à moi revenue, chorégraphies de Imen Smaoui et Geneviève Mazin
Sur une scène sombre, deux corps se tortillent et tournent sur eux-mêmes. Leur mouvement est rapide et le rythme est vertigineux. Dans leur élan, les corps semblent perdre leur limite physionomique et ressemblent plus à des fantômes qu’à des êtres humains. Du coup, tout, dans cette chorégraphie de Imen Smaoui et de Geneviève Mazin, devient illusion.
Même à moi revenue, représentée dimanche dernier à l’espace Mad’Art, dans le cadre de la manifestation «Danser à Tunis», est une pièce qui joue essentiellement sur un trompe-l’œil très original.
Les formes se dissipent donc et deviennent des ombres ou plutôt des reflets qui paraissent et disparaissent en un clin d’oeil. Avec beaucoup de souplesse, les corps se détachent d’une scène qui baigne dans le noir et semblent se répandre dans toute la salle. Elles hantent l’espace comme des démons exorcisés ou des anges libérés. Imen Smaoui, crâne rasé, vêtue tout en rouge et Geneviève Mazin, visage candide, en tenue violette, sont comme deux créatures flottantes qui s’évadent dans un univers complètement transparent.
Par un effet de projection en 3D, les corps se superposent, s’entremêlent et se reflètent l’un sur l’autre. Ils se multiplient en plusieurs facettes. Tout se mêle. Et l’œil ne sait plus différencier le faux du vrai, le réel de l’illusion. Même à moi revenue part d’un sentiment contradictoire face aux différentes perceptions de nous-mêmes. Elle met en scène une image fabriquée qui permet une «circulation visuelle» entre l’image intime et l’image publique, entre celle qu’on veut donner et celle qu’on donne en réalité.
Les deux danseuses, à travers leurs mouvements circulaires, tissent toutes sortes de perceptions, contradictoires certes, mais elles sont d’une harmonie absolue… Imen Smaoui et Geneviève Mazin varient les rythmes et les notes. Elles suivent le ton saccadé d’une musique électronique ardente et parfois elles dansent en silence, mettant en relief la grande musicalité de leur gestuelle. Vers la fin, les «créatures», comme vidées de toute force, s’écroulent sur le sol. Leurs mouvements se coincent et elles se perdent de nouveau dans l’obscurité de la scène. Elles reviennent au néant, illustrant ainsi le cercle vicieux de la vie, l’histoire insensée de la mort et de la naissance.
Une belle pièce en somme