Parfaite en théorie, inefficace en pratique

Education : l’approche par compétences

«Les compétences ne sont jamais atteintes», fait observer Kamilia Abidi, institutrice de la quatrième année de base. On définit cette stratégie pédagogique comme «une approche structurante qui vient dans un contexte mondial caractérisé par l’orientation des politiques éducatives vers l’amélioration de la qualité de l’éducation pour parvenir à relever les nouveaux défis de la mondialisation et de la globalisation».

L’objectif donc, c’est d’assurer à tous les élèves le développement des mêmes compétences essentielles et de leur permettre de s’exprimer en une langue correcte, de tenir une discussion enrichissante et de communiquer avec l’autre en respectant la différence d’opinions. Elle vise aussi à améliorer la rentabilité du système éducatif et les pratiques de classe en misant sur la professionnalisation des enseignants. L’approche par compétences, au premier cycle de l’éducation, se base donc sur la maîtrise des langues, l’expression orale et écrite, et la lecture.

«En pratique, l’application de cette approche, intéressante, voire primordiale dans l’éducation de l’enfant, souffre de plusieurs lacunes : l’instituteur est livré à lui-même sans supports éducatifs susceptibles d’alimenter sa créativité. On a l’impression que l’approche par compétences remplace, dans certains cas, les programmes scolaires », se plaint Kamilia.

L’enseignant, en tant qu’animateur de classe, doit se débrouiller pour trouver un thème sur lequel les élèves devront communiquer et rédiger des textes.

En 1ère année, les institutrices se basent sur des images, à partir desquelles elles poussent les enfants à construire leur histoire. Le texte est d’abord lu d’une manière globale, puis il est découpé en phrases, ensuite en mots et, enfin, en lettres.

Une fois cette étape franchie, les élèves doivent reconstruire de nouveau le texte. La lecture, proprement dite, n’est praticable qu’à partir de la troisième année. Chacun doit se concentrer sur un texte, le lire en silence pour répondre à des questions «trop faciles, presque banales, à mon avis. Les élèves, même s’ils arrivent à répondre correctement à l’exercice, sont incapables de lire ou d’écrire ou de parler convenablement», observe encore l’institutrice.

Elle condamne fermement la qualité des textes proposés. Pour elle, les personnages, trop imaginaires, n’accrochent plus l’élève de 8, 9 et 10 ans. L’intrigue aussi est vidé de sens et ne colle pas avec la réalité de l’enfant. «Un élève, aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, est aussi éveillé qu’un adulte. Il a besoin de textes constructifs et informatifs qui stimulent sa curiosité et qui le poussent à la réaction». Résultat : rares sont les élèves qui sont capables de rédiger correctement…

Aider l’enfant à réfléchir !

Selon Kamilia, le programme scolaire doit être revu et adapté aux exigences des compétences. Il deviendra ainsi moins chargé et plus abordable. Le cumul des matières ne favorise pas la maîtrise des acquisitions et l’enrichissement du vocabulaire.

«Pourquoi, dans l’apprentissage de la langue arabe, par exemple, ne se concentre-t-on pas sur un nombre limité de thèmes liés à l’actualité de l’enfant ? La langue peut être travaillée à travers des textes bien élaborés, qui fournissent à l’enfant des informations utiles dans sa vie et qui suscitent une envie de s’exprimer aussi bien d’une manière orale et écrite.

Des excursions peuvent être organisées, toujours autour de ces thèmes, pour mieux ancrer les vocabulaires et les connaissances et la communication», propose encore l’institutrice.

Kamilia, à travers une recherche de doctorat en cours menée par un Français auprès des écoles primaires, a constaté que les systèmes éducatifs des deux pays vont de pair sauf dans le domaine culturel.

«Notre enfant n’est pas formé culturellement. Il ne connaît rien des arts et des philosophies. Je me demande pourquoi les diplômés des beaux-arts, des instituts supérieurs de musique et de théâtre ne mettent pas la main à la pâte et n’assurent pas des cours dans les écoles primaires », ajoute encore Kamilia.

La polyvalence des instituteurs peut nuire à l’élève et surtout à l’approche par compétences. Pour elle la spécialisation est essentielle. Un autre handicap qui entrave la réussite de cette approche, c’est le nombre très élevé d’élèves en classe qui peut dépasser parfois la trentaine. «L’approche par compétences se base sur le dialogue et le travail en groupe. Elle ne peut être efficace que dans un cadre d’ateliers. L’écoute de l’autre ne peut se faire dans le brouhaha et le bouillonnement».

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