Rencontre avec Riadh Mnif, directeur de «Musique et silence» à «Timbaïne»
Nous avons rendu compte dans notre livraison d’hier du déroulement de cette troisième édition du festival «Musique et silence», qui a élu domicile dans les décors majestueux du désert, à une centaine de kilomètres au sud de la ville de Douz. Voici un entretien avec celui qui dirige cet événement. Retour sur la naissance d’un projet.
Comment est venue l’idée de ce festival ?
Un jour, un ami italien a entrechoqué, par hasard, deux rochers au pied de cette montagne que l’on appelle «Timbaïne». Le son a fait vibrer les ouïes. L’ami, qui était saxophoniste, a prit spontanément place au creux de cette montagne et il a commencé à jouer, sans penser à rien. C’était un moment magique. J’ai compris, ce jour-là, que la musique pouvait avoir une place à Timbaïne et qu’elle pouvait s’harmoniser parfaitement avec le silence du désert…
Vous avez donc choisi des musiques spécialement conçues pour l’endroit ?
J’ai tout d’abord pensé à la musique classique, parce que, entre les morceaux, on n’applaudit pas. C’est une musique qui laisse parler le silence. Ensuite, j’ai rencontré Riadh el Fehri. En dix minutes, le courant est passé. Riadh a tout de suite plié bagage et il est parti, avec moi, dans le désert. L’endroit l’a ébloui. Il s’est mis à créer une musique du silence, en collaboration avec des artistes italiens… Chaque année, depuis deux ans, on se rencontre ainsi au pied de la montagne pour jouer de la musique…
Etes-vous amateur de musique ?
Non, pas du tout. Je suis commerçant de chaussures de profession et j’étais, pendant cinq ans, pilote de Rallye. La musique ne m’a jamais réellement interpellé. Je suis avant tout un amoureux du désert. Avec mon co-pilote Ahmed Abdelmoulla, un natif de Douz, on a décidé de créer, à cet endroit, un campement écologique, sans chaises plastiques, ni fils électriques… Ici, on est comme sur une autre planète, une planète que nous avons d’ailleurs baptisée « Mars »… Seuls plaisirs: le ballet des étoiles et le silence des dunes. L’idée de jouer une musique du silence au campement de Mars me hantait depuis l’épisode du saxophoniste. Mais je ne savais pas par où commencer…
Pourquoi avez-vous choisi de passer sous silence médiatique les deux dernières sessions?
Les premières expériences se sont déroulées à titre expérimental. Nous étions entre amis et nous écoutions de la musique par pur plaisir. L’événement a pris de l’ampleur, surtout à l’étranger, et on a décidé dès lors de le médiatiser à l’échelle nationale. Pour cette session, j’ai fais élargir le campement afin d’accueillir plus de monde. Nous avons aussi mis au point une programmation plus élaborée et plus professionnelle…
Pourquoi l’aube et pourquoi le crépuscule?
A Timbaïne, le théâtre est naturel et son acoustique est aussi pure que l’air que l’on respire… On a voulu synchroniser la musique avec la lumière exceptionnelle du désert pour offrir à notre public des moments d’une magie absolue…
Pensez-vous que la culture va de pair avec le tourisme ?
Je crois dur comme fer que les évènements culturels attirent les touristes. C’est un grand atout pour la promotion d’un tourisme du désert de luxe. Je me suis investi seul dans cette aventure en finançant le projet par mes propres moyens…Je reconnais en revanche que l’Office national du tourisme m’a beaucoup aidé.
Comme le jazz à Tabarka, comme l’orchestre symphonique à El Jem, Timbaïne aura-t-elle un style de musique qui l’imprégnera?
Certainement. La musique de Riadh El Fehri s’y est déjà installée depuis déjà des années. Et ce n’est que le début…