Seuls critères : beauté et sincérité

La cérémonie de remise des Comar d’Or

«L’histoire de Houcine El Wad jaillit des ténèbres d’une mémoire. Elle est racontée avec un style d’une extrême élégance et d’une parfaite transparence. Ce roman est une vraie symphonie de mots et d’images», a affirmé, samedi dernier, Jalila Triter, membre du jury en langue arabe du concours littéraire Comar d’Or, lors de la cérémonie de remise des prix des Assurances Comar.

Le prix de la 15e édition a été décerné donc à Rawaeh el medina (les parfums de la médina) de Houcine El Wad, universitaire, poète et critique littéraire. En revanche, aucun ouvrage en langue française n’a pu décrocher le Comar d’Or. «On aurait voulu le décerner, mais cela allait de la crédibilité et de la pérennité de ce prix», a insisté Béchir Guerbouj, président du jury en langue française.

Malgré cette déception, la grande famille des Assurances Comar paraît encore une fois optimiste. Elle croit au talent des romanciers tunisiens dans les deux langues et, par cette précieuse action de mécénat, aide à la propulsion de la créativité littéraire. «Nous avons voulu que les jurys successifs travaillent en toute indépendance. Leur tâche ne fut jamais de tout repos‑: déceler une promesse, donner une assise rationnelle à un coup de cœur, distinguer, entre toutes, l’œuvre aboutie… », lit-on dans le dossier de presse.

La course de cette année a mis sur la ligne de départ 20 romans en langue arabe et 13 en langue française. On en a retenu 8 ouvrages‑: le prix spécial du jury en langue de Voltaire a été octroyé en ex-aequo à deux romans «différents dans leur contexte, mais égaux par leur valeur artistique», précise encore le président du jury.

Il s’agit de Borj Louzir de Rabâa Ben Achour Abdelkéfi et Ce qu’Allah n’a pas dit de Mohamed Bouamoud. Le premier nous plonge, selon les analystes, dans une histoire en miroir qui met en avant-plan deux adolescentes et en arrière-fond un paysage des années cinquante où se côtoient dévotion, élans nationalistes, tradition et modernité. Une ambiance équivalente à ce que vit la Tunisie depuis le 14 janvier.

Le second roman est une histoire de destruction et d’horreur. Le livre a été qualifié de «dur, mais très bien structuré et teinté de force et de réalisme». Un roman qui décrit les ravages que provoque la fanatisme d’un père au sein de sa famille et ses retombées sur les siens et sur la société.

Le prix spécial du jury en langue arabe a été décerné à Sadaou Ettijane de Afifa Seoudi Samti. Un coup de cœur pour une histoire écrite à la hâte et qui a prédit les révolutions arabes. Original autant que profond, ce récit prend la forme d’un conte populaire contemporain qui proclame la liberté et dénie l’injustice.

Une autre histoire, aussi originale, a obtenu le prix découverte en langue française. Il s’agit d’un livre «petit par le nombre de ses pages, grand par son intérêt et sa résonance», selon le jury. Une heure de la vie d’une femme de Aïda Hamza, est, en effet,un récit d’une jeune femme en attente du mari idéal… Ce même prix en langue arabe a été réservé à Arajif de Lazhar Sahraou. Cet écrivain fait voyager ses lecteurs à travers le temps et l’espace. Il raconte la construction et la destruction d’un village Om Abid au Nord-Est de la Tunisie.

En outre, l’Assurance Comar a rendu hommage à Mahmoud Belaid, pour son œuvre en dialecte tunisien Louz el achaq ainsi qu’à l’adolescent de 13 ans Chedly Ben Hamida, pour son roman «La Cabane du père Omar».

Pour cette première cérémonie de remise des prix du Comar d’or d’après révolution, les organisateurs ont opté pour la chanson engagée avec la troupe Ajrass sous la houlette de Adel Bouallegue. La poésie de Mahmoud Derwich a donné le ton. Elle a été suivie par une palette de chansons d’inspirations diverses où la troupe voulait allier la beauté et la finesse d’une parole à un rythme saccadé d’une musique en colère. Ajrass a chanté pour la liberté, la liberté du verbe et celle des voix…

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