Toute rencontre est retrouvailles

Présentation de François Cheng : un cheminement vers la vie ouverte, de Madeleine Bertaud au Credif

 » J’avais été conviée au dîner organisé au Sénat, le 9 novembre 2004, par le Cercle Richelieu Senghor de Paris ; l’invité d’honneur était François Cheng « , raconte Madeleine Bertaud, docteur, spécialiste de littérature française du XVIIe siècle. Le professeur émérite était, jeudi dernier, au siège du Credif (Centre de recherche, d’études, de documentation et d’information sur la femme). Elle devait y présenter son dernier livre : François Cheng : un cheminement vers la vie ouverte.

La rencontre qu’elle avait eue avec cet écrivain français d’origine chinoise, au cours de ce dîner offert au sénat, a bouleversé toute sa carrière. Madeleine Bertaud s’est écartée du Grand Siècle, pour s’occuper de cet  » Etre à part « , précise-t-elle,  » de ce poète qui, par sa sensibilité, se décale par rapport à la modernité « .

Ce soir-là, elle avait entendu Cheng parler de son grand voyage qui l’a mené d’Est en Ouest, avec une « voix qui parle au cœur comme celle d’un ami »… Cheng a évoqué « le mystère de la beauté »,  » le vrai et le bon « ,  » son efficacité à combattre le mal « ,  » ces souffrances et ce travail sur lui-même avant l’enracinement, dans l’unité enfin conquise et la plénitude « ,  » le nécessaire dialogue entre les cultures « . Dès le lendemain, Bertaud s’est mise à voyager d’un livre à un autre.

Elle a commencé par le Dit de Tianyi :  » C’est toujours par lui que je conseille d’aborder l’œuvre de Cheng « , conseille-t-elle. Puis L’éternité n’est pas de trop. Elle est passée ensuite aux essais, aux traductions, aux livres d’art, aux recueils de vers… Emportée par le sentiment exaltant de multiplier les découvertes. Peu à peu, elle s’est mise à écrire :  » Notes pour moi-même, réflexions décousues, listes de questions à élucider… Ces notes m’ont fait prendre conscience du chemin parcouru par cet homme et ce créateur d’exception », explique-t-elle.

Le mot  » cheminement « , figurant dans le titre de l’ouvrage, lui a été inspiré par l’écrivain lui-même. « Aucun autre mot ne lui convient davantage « , insiste le professeur. Un cheminement vers l’autre, vers la vie ouverte, vers la beauté et la pureté éternelle. Selon elle, Cheng est une  » symbiose vivante  » de deux cultures. Il écrivait ses premiers vers en chinois et traduisait en parallèle les poètes français. Il lui a fallu vingt ans pour entrer dans la musicalité de la langue française. Depuis, il n’écrit plus en langue chinoise, qu’il considère comme sa « vieille nourrice ». Son choix était radical. Néanmoins, pour comprendre ses écrits, il faut absolument revenir à la culture chinoise.  » Cheng a une manière bien orientale de décrire et de sentir la nature, qu’un Occidental ne pourrait pas traduire « , ajoute Madeleine Bertaud.

Autour de la table ronde du Crédif, elle fait circuler quelques livres majeurs de l’écrivain chinois, lit quelques extraits et raconte l’histoire de Tianyi et celle des trois amants. A côté d’elle, se tient un professeur de l’université de la faculté de Manouba, Constantin Makris, qui l’invite à parler de la présence de la femme Chez Cheng :  » une source de beauté, de pureté, d’inspiration et de souffrance « , note-t-elle. Les amours dans ces œuvres ne sont pas consommées. La quête du bonheur est sans fin…

Pour mieux expliquer la place de la femme et, par conséquent, de l’amour chez l’écrivain d’origine chinoise, Madeleine Bertaud a eu recours à la philosophie taoïste, dont l’auteur est profondément imprégné. Pour lui, la vie est née du souffle et ce dernier se partage en yin (la douceur réceptive), en yang (la force active) et, placé entre eux, le vide medium.

La vie n’a donc pas de fin. Tout achèvement est un commencement. Toute mort est une vie. Toute rencontre est retrouvailles…

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