Une note d’espoir

Amreeka, de Cherien Dabis, au «Views of America»

Beaucoup de sincérité émane du film Amreeka de Cherien Dabis, proposé, vendredi et samedi derniers, par «Views of America» (la troisième rencontre du Cinéma indépendant américain de Tunis) qui se tient à la salle Afric’Art, depuis le 9 décembre.

L’histoire commence en Palestine et s’achève en Amérique. Les caméras brossent le paysage des territoires occupés; racontent le «calvaire» de ses habitants, qui doivent, chaque jour, se justifier pour franchir les barrages et rentrer chez eux. Elles s’arrêtent sur le personnage sympathique et touchant d’une mère, toujours inquiète pour ses enfants…

Et puis, il y a «Mouna», le personnage principal. Drôle et maladroite, abandonnée par un mari infidèle, elle décide de partir en Amérique avec son fils «Fadi» rejoindre sa sœur, installée depuis 15 ans au fin fond de l’Illinois.

A travers ce personnage, Cherien Dabis décrit la douleur du déracinement et la difficulté de l’intégration. La tension domine l’écran dès son arrivée en Amérique: «Mouna» perd tout son argent et accepte un job dans un restaurant, malgré ses dix ans d’expériences passées en tant que banquière… La situation s’aggrave lorsque les Etats-Unis partent en guerre contre l’Irak. A tous les Arabes, on colle l’étiquette de terroriste. La situation financière de la famille régresse visiblement atteignant le chaos. La vie à l’Illinois devient insupportable. Seul remède, le souvenir de la Palestine qui apaise des âmes tourmentées et angoissées…

Les deux sœurs se pressent dans les quartiers arabes, mangent dans des restaurants orientaux, dansent et chantent pour oublier le mal du pays. On oscille de nouveau entre deux cultures, on révèle une certaine rigidité américaine sans pour autant condamner sévèrement le pays hôte. Avec humour et douceur, le film aborde des questions d’une grande importance: «le nomadisme» forcé des Palestiniens, sans nationalité, éternels prisonniers sur leur propre terre; le problème de l’identité et le déchirement culturel des adolescents, les préjugés et les condamnations sans grief légal…

Cherien Dabis n’a laissé échapper aucun détail. L’histoire est bien cousue et les personnages sont touchants et dotés d’une grande force émotionnelle… Hiyam Abbas a été parfaite dans ce rôle complexe qui incarne au même temps douceur et caractère.

Il y a aussi et surtout «Mouna», jouée par Nisreen Faour, tendre et généreuse, qui sait panser les blessures et rendre agréable l’ambiance morose de cette ville américaine. Son fils, M. Muallem, un peu coincé et agressif, montre une apparence niaise avec ses cousines qui insufflent fraîcheur et innocence. A travers cette comédie dramatique, Cherien Dabis dénonce une réalité insupportable, avec un ton d’amour et d’espoir…Cela ne rend le film que plus poignant.

Le mot de la fin est donné par la voix de Marcel Khalifa, chantant du fameux Le passeport le passage : «ne demandez pas aux arbres le nom de ma mère, ne le demandez pas aux vallées….l’épée de lumière jaillit de mon front et l’eau du fleuve coule de ma main. Ma nationalité, c’est le cœur des autres, je n’ai besoin d’aucun autre passeport».

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