Une question de survie

Lettres d’amour de 0 à 10 de la Compagnie l’Artifice, à la salle du 4e art

Un rideau, quelques projecteurs et deux comédiens talentueux ont suffi pour créer l’émotion, jeudi, vendredi et samedi derniers sur la scène du 4e art. Lettres d’amour de 0 à 10  pièce de Christian Duchange, d’après le roman de Susie Morgenstern, raconte dans le moindre détail l’histoire fabuleuse d’Ernest, un enfant de 10 ans, vivant avec une grand-mère vieille de 80 ans.On illustre, le collège et les camarades de classe; on  décrit les 57 marches de l’immeuble montées chaque jour et chaque soir, la pomme et le verre de lait déposés sur la table de la cuisine, la soupe avalée à chaque dîner, les devoirs faits à la hâte dans une maison silencieuse, dépourvue de télévision et de téléphone… Et puis, la clé de l’histoire : une mystérieuse lettre arrivée un jour du front au début du siècle qu’à chaque dimanche l’enfant et sa grand-mère essayent de déchiffrer dans l’espoir de découvrir un secret de famille

Ernest, joué par  Bernard Daisey, mouvements carrés et démarche droite, est toujours vêtu de la même manière : une cravate et un costume sur mesure, cousu par un tailleur, ami de la famille. Il ne sort jamais en dehors de l’école et il ne pose aucune question. Jusqu’au jour où une nouvelle élève, Victoire, l’unique fille d’une famille de 13 garçons, l’arrache de son quotidien monotone et l’oblige à regarder autour de lui.

Première question : «Comment une femme pourrait mettre au monde 14 enfants alors qu’une autre meurt en enfantant un? ».

Sur des airs de rumba, Anne Cuisenier papillonne autour de Bernard Daisey. Elle est la narratrice mais elle incarne aussi tous les rôle féminins : la grand-mère, Victoire, les camarades de classe et la mère de Victoire… Une pince aux cheveux et elle change de personnage et se transforme, avec beaucoup d’aisance, de la vieille ridée, quasi morte à l’adolescente frivole, pleine de vie qui ensorcelle avec ses danses démesurées et qui fait découvrir au pauvre Ernest l’odeur les bébés, le désordre d’une maison surpeuplée, le bruit de l’ascenseur …

Un jour,  Victoire amène Ernest au supermarché, là où il retrouve la trace de son père qui l’a abandonné quand il avait trois jours. Tout est chamboulé. La mise en scène devient plus sonore et plus lumineuse et le rythme plus rapide… Le papa, grand écrivain connu, était prêt à renouer contact avec son fils. Et l’histoire s’achève dans la joie et la bonne humeur. Ernest retrouve le sourire, plie bagage et rejoint son père en Amérique. Il emmène avec lui, sa grand-mère et la femme de sa vie, Victoire.

Note importante : la lettre mystérieuse a été déchiffrée. L’aïeul de la famille voulait des chaussettes et un manteau parce qu’il faisait très froid au front. Le secret de la famille n’était autre qu’une question de survie.

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