Zahra, de Mohamed Bakri : Une famille «heureuse» en Palestine ?

Journées cinématographiques de carthage – Compétition officielle

Zahra, de Mohamed Bakri, retenu en compétition officielle aux JCC, commence par une photo qui regroupe toute la famille Bakri. Au centre, une femme souriante, d’allure jeune malgré ses 80 ans. Elle est la mère, la grand-mère et l’arrière grand-mère de tous ces enfants… «Elle est aussi ma tante qui m’a allaité comme ses propres fils», témoigne le réalisateur. Cette famille heureuse, d’apparence «normale», voire «ordinaire», est pourtant exceptionnelle. C’est une famille qui vit en Palestine, en Galilée, dans un village d’El Beana.

Zahra a épousé son cousin Hassen. Des années heureuses sont passées avant que n’éclate la guerre de 1948. Elle, comme des milliers de Palestiniens, a été chassée de sa maison sous la menace de la mort, abandonnant son mari et ses beaux-frères, pris en otage par les militaires israéliens. A pied, elle a traversé les montagnes pour aller se réfugier au Liban où elle a connu la misère, la maltraitance, la peur…

Un jour, son mari réapparaît et la ramène en Palestine. Commence alors la lutte pour la survie et pour la préservation du droit civique. La famille a connu des hauts et des bas, des moments de bonheur et de grand malheur. Dix naissances et une mort ont bouleversé la vie de Zahra. Son mari est décédé d’un arrêt cardiaque, quand son cadet avait 4 mois. La mort soudaine est survenue suite à la perte totale de toutes les acquisitions de la famille. Le père n’a pas su supporter la défaite et perd la vie, laissant Zahra toute seule, sans un sou en poche, à élever une ribambelle d’enfants. «Ma mère me disait un soir d’un grand deuil : la mort est comme cet eau dispersée que l’on peut ramasser…

Dès lors, j’ai accepté ma destinée. Et j’ai commencé à penser à l’avenir», nous confie-t-elle dans les larmes.

Elle a d’abord interdit à son fils aîné, parti du temps où son père était vivant, d’étudier la médecine à Moscou. Elle voulait le voir médecin. Elle a aussi refusé de laisser ses enfants travailler avant l’obtention de leur diplôme.

Jour et nuit, elle s’occupe à cueillir les fruits et les olives dans les champs, afin d’assurer à ses enfants un minimum de confort dans la dignité… Aujourd’hui, les enfants ont grandi. Ils se sont mariés et ils ont eu aussi des enfants. Ces derniers ont également grandi et ils se sont aussi mariés. «Hassen, un de ses petits-fils, est tombé amoureux de sa cousine Fatma. Ils se sont mariés et ils ont eu une fille…», raconte Mohamed Bakri.

L’histoire de cette famille continue et se renouvelle, comme cette guerre qui paraît sans fin… Les blessures, l’amour, la peur, le bonheur inachevé et les souvenirs amers sont transmis d’une génération à une autre. A travers ce portrait de femme combattante et de cette famille soudée, Mohamed Bakri a présenté une image différente de la Palestine.

Une Palestine heureuse, malgré tout.

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