Douar de Kader Attou a raconté, lundi dernier, sur la scène de Hammamet, une drôle d’histoire, celle de jeunes algériens qui parlent une même langue, mais qui ne se comprennent pas. Les uns vivent en France, les autres en Algérie. Chaque été, ces algériens se rencontrent au bord des plages et se croisent sur les corniches et dans les cafés. Ils se regardent souvent, mais ils ne se voient pas, ils se parlent, mais ils ne s’écoutent pas…
Une patrie les rassemble, mais une culture les sépare. A travers le hip-hop, neuf danseurs expriment leur peine et leur déchirure. Les muscles se contractent et se décontractent pour danser le désarroi et la perte d’identité.
La chorégraphie de Kader Attou exploite les différents mouvements du hip-hop dans une chorégraphie dynamique et colorée. Originaire de la banlieue lyonnaise, cet ancien danseur cofonde avec deux français, Eric Mézino et Mourad Merzouki, la compagnie Accrorap en 1993. Son objectif consiste à donner au hip- hop une dimension scénique et théâtrale.
Les danseurs sont en majorité autodidactes, recrutés parmi les jeunes des quartiers dits difficiles. La question de l’exil et de l’émigration a tellement préoccupé Kader qu’il s’est rendu en 2003 en Algérie, pour rencontrer des danseurs de chez lui, afin de leur donner l’occasion de s’exprimer et de transmettre en mouvement ce sentiment de frustration et d’enfermement. Avec eux, il a créé un premier spectacle Makench Mouchkil (Il n’y a pas de problème) puis Douar, une chorégraphie sur le même thème.
Les mouvements du hip-hop se répandent en se croisant et en s’entremêlant. Chaque danseur s’épanouit dans une gestuelle bien spécifique, reliée entre elles comme des phrases que l’on compose ou comme des fils que l’on noue pour tisser une énorme toile d’araignée. On décortique les muscles sur une musique saccadée, on mime la démarche du robot, on étire les membres sur les notes romantiques du luth…
D’autres encore lancent leurs corps en tourbillon, roulent les membres et tournent la tête comme une toupie… le twisto-flex, walkout, le moonwalk, le tutting, waving, boogaloo…
Tout y est. Le chorégraphe s’est servi de tous ces mouvements pour créer ses tableaux et raconter son histoire. Seuls accessoires : de gros sacs de chez «tati»,. Ces sacs, comme ces corps, sont secoués, balancés et froissés aux rythmes hachés… Ils reflètent l’image d’une errance, celle des jeunes nostalgiques de leur pays d’origine et qui ont du mal à assumer leur double culture.