Balbutiement ou errance

Le théâtre peut-il changer la société et Le dernier ramadan

Enfin! Les films documentaires tunisiens ont lâché la bride à une parole longtemps étouffée et à une image cruellement camouflée. Mais le flux est tellement violent que la noyade paraît facile, presque inévitable.

Comment s’orienter dans un océan de liberté sans boussole? Comment peut-on sélectionner les mots quand tout mérite d’être dit? Le théâtre peut-il changer la société, réalisé par Amna Chaâbouni, ainsi que Le dernier ramadan, de Mohsen Haffani et Baptiste Herzog, présentés, jeudi dernier au 4e art dans le cadre de la 4e session de  » Doc à Tunis « , donnent une impression d’errance et de balbutiement …

Le premier film, « Le théâtre peut changer la société » est un documentaire de vingt minutes. On part avec Chaâbouni , dans sa voiture personnelle, sur la route d’Hammam-Lif. Un brève aperçu historique et on s’arrête à la maison de la culture d’Hammam-Lif. La réalisatrice, sociologue de formation, a été marquée par un atelier de théâtre qui a changé la vie d’un nombre d’adolescents en situation sociale difficile. A partir de l’an 2001, elle a commencé à filmer ces jeunes sur la scène, à capter leur mouvement et analyser leur évolution artistique.

Huit ans plus tard, la réalisatrice est revenue vers ces jeunes et plus précisément vers Islem et Insaf, devenus artistes professionnelles. Elle les a filmées dans leur maison, entourées de leurs familles, en les laissant parler de cet art qui les a sauvées de la déprime et d’un échec scolaire certain. Malgré ses bonnes intentions, ce film manque d’un ingrédient essentiel qui est l’émotion. Les entretiens paraissent trop formels et les propos presque moralistes, peu profonds.

Le deuxième film, « Le dernier ramadan », est un ramassis de sujets, de personnages, d’histoires et d’images. On saute du coq à l’âne, sans trop comprendre les objectifs de ce documentaire. « Je voulais jeter la lumière sur les contradictions qui bouillonnent dans notre société », a expliqué Mohsen Haffani, avant la projection ce film. Mais ces  » contradictions « , même si elles existent, sont brouillées dans un fourre-tout qui va du tourisme, au mariage, en passant par le rap, le foot, l' »esclavagisme  » dans les centres d’appels, le rêve de l’Amérique, la baignade…

De plus, ce film est réalisé l’été 2010, peu avant et pendant le mois de Ramadan. D’où le titre Le dernier ramadan, spécialement celui de Ben Ali. La caméra brosse souvent les posters du président déchu qui inondaient les rues. Le texte inclut quelques bribes de discours de ce dernier, et le film s’arrête sur les menaces qu’avait lancé Ben Ali contre les révolutionnaires de Sidi Bouzid… L’allusion à la politique n’avait presque pas de sens et tombe comme un cheveu dans la soupe…

Haffani a beaucoup à dire et ses images sont chargées d’émotions et d’intelligence artistique, mais il fallait, à notre avis, soigner un peu plus la ligne directrice du documentaire et réfléchir davantage au message politique, social et culturel que l’on voulait transmettre…

Créer un film documentaire, c’est aujourd’hui écrire les premières lignes, sur une page vierge, notre histoire, celle de la liberté.

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