Entre tradition et nouveauté

Entretien avec Montasser Hassani, président de l’Association du festival de la Médina de La Manouba

Après dix ans d’existence, l’ancien comité de l’Association du festival de la Médina de La Manouba a passé le flambeau, le 21 juin dernier, à une nouvelle équipe, sous la présidence de Montasser Hassani. Ingénieur, directeur au ministère du Transport et amateur de musique, le président a fourni des efforts colossaux pour mener à bien la 11e session du festival de la Médina de La Manouba qui a eu lieu, cette année, du 20 août au 2 septembre à Kobbet Enhas. Malgré la période de préparation, trop limitée (un mois), la programmation n’a manqué ni de dynamisme ni de qualité. Montasser Hassani nous explique les astuces et les spécificités de cette session particulière, réalisée à la hâte.

Comment avez-vous pu mettre au point une programmation aussi riche, dans un délai d’un mois ?

C’était un défi difficile à relever. Sans le soutien de toutes les organisations publiques de lla Manouba, cette session n’aurait pas voir le jour. Les sponsors, aussi, nous ont beaucoup aidés. Grâce à leur soutien, nous avons pu constituer le budget nécessaire pour réaliser ce festival, en un temps record. Une fois la caisse remplie, on a commencé à réfléchir à la programmation : il fallait, d’un côté, rester fidèle à la vocation du festival, déjà acquise, en choisissant des spectacles qui soient en harmonie avec la ville et, d’un autre côté, prévoir des concerts  » inédits  » qui donneraient un nouveau souffle à la session. Il ne faut pas oublier que le festival de la Médina de La Manouba s’est approprié, depuis sa création, un style qui lui a donné un certain cachet.

Quel est ce style ?

Manouba faisait partie des résidences d’été des beys de Tunis, où logeaient des personnalités comme Kheireddine Pacha . Kobbet El Nhas, le lieu du festival, a d’ailleurs été bâti par Moustapha Bey et habité pendant des années par le général mamelouk Farhat Caïd Jbira, puis par le général mamelouk Rachid. Il a vu naître aussi, en 1894, le leader nationaliste Salah Farhat. Pour rendre hommage à ce lieu de mémoire et cette ville de beys, le festival, depuis sa fondation, a opté pour le chant soufi et les soirées de tarab, comme pilier de toute programmation. Il a ainsi réussi à fidéliser un public averti et connaisseur qui, même cette année, a répondu présent malgré le bouillonnement des activités estivales.

Mais la 11e session s’est quand même éloignée des anciennes traditions ?

Non, pas du tout. Pour cette année, nous avons programmé quatorze spectacles qui sont, dans leur totalité, des produits purement tunisiens. En termes de tarab, nous avons sollicité des noms connus, dont certains sont des habitués du festival, comme Nourreddine Béji, Olfa Ben Romdhane, Adel Soltane, Leïla Hajeïj, Sonia M’barek. Cette dernière a tenu absolument à chanter Wajd II devant le public de La Manouba, avec lequel elle entretient une relation particulière. Dorsaf Hemdani aussi a choisi, pour son spectacle, un nouveau concept spécialement conçu pour le festival. Riahab Sgheïr a choisi La Manouba pour chanter son premier récital. Nous avons également eu la participation de deux jeunes qui sont montés pour la première fois sur cette scène, comme Sofiane Zaïdi et le duo Anis Khamassi et Amel Ben Ahmed. Ces artistes en herbe ont bien prouvé leur talent.

Apparemment, vous avez beaucoup misé, dans votre programmation, sur les jeunes talents ?

Oui, sans aucun doute. Nous avons proposé également deux spectacles réalisés par les jeunes dans le cadre de la célébration de l’Année internationale de la jeunesse : « Voyage à travers les cordes  » et « Cordes prometteuses ». Le premier a été assuré par un groupe d’étudiants en musique et en médecine, sous la direction d’un professeur, Wahid Chedli. Avec leurs guitares, les jeunes ont joué des ballades, des suites et quelques airs de flamenco… Le deuxième concert est tenu par un jeune Samih Mahjoubi avec la collaboration de son frère Souhail (cithare) et les jumelles Salma et Salama Bitri (guitariste et luthiste de Tébourba). Durant ces deux soirées, la salle était comble. Les jeunes ont des moyens de communication qui nous dépassent (sourire).

Vous avez eu, aussi, salle comble avec les pièces de théâtre. Avez-vous choisi ces troupes, en particulier, pour leur capacité à susciter une grande affluence ?

Si l’on voulait de l’affluence, on aurait opté plutôt pour les One man show, qui font des ravages dans les festivals de la Médina. Nous avons choisi plutôt les troupes théâtrales en raison de la qualité de leur production. La troupe du théâtre de la ville de Tunis nous a présenté « Hila we Tchitine » de Zouheïr Rais, avec Khaouther Bardi, Rim Zribi, Zouheïr Rais, Aziza Boulabiar, Faycal Bezzine, Mohsen Zaazaâ. Naïma El Jani et Dorsaf Mamlouk ont joué également leur Ayla (famille), écrite et mise en scène par Sadok Helouas.

Mais vous avez quand même sollicité des têtes d’affiche ?

Ces noms sont, pour moi, plus que des « têtes d’affiche » : ce sont des professionnels qui ont su adapter leur théâtre à un lieu, pas tout à fait commode, au 4e art. Malgré les difficultés scéniques, ils ont réussi à nous procurer un pur plaisir.

Dans les prochaines sessions, comptez-vous poursuivre selon cette même démarche ?

Il est encore tôt pour se décider. Je peux avancer qu’il y aura du théâtre, mais d’un autre genre. Je réfléchis à une programmation à plusieurs thèmes, où tout le monde pourrait trouver son compte : une programmation complémentaire aux festivals d’été qui se dérouleront en même temps que les festivals de la Médina. Je compte aussi créer un site web ainsi qu’un logo. Je vise également un aménagement de la scène afin qu’elle soit plus adaptée à la nouvelle programmation. On commencera cette fois très tôt. Si tout va bien, on sera prêt dès mars 2011.

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