Jeune malgré tout

La 36e session du Festival national de théâtre amateur à Korba

La chanson à Menzel -Témime, le cinéma à Kélibila et enfin le théâtre à Korba ! Depuis des années, les amateurs trouvent refuge dans ces villes de plages, loin du brouhaha de la capitale, loin du bouillonnement culturel. Avec les moyens du bord, ils créent l’événement. Depuis mercredi dernier, les amateurs de théâtre logent donc à Korba. Ils viennent de Tunis, du Kef, de Nabeul, de Kairouan, de Hammam-Sousse, de Béja, de Deguèche pour participer à la 36e session du Festival national de théâtre amateur.

Pour cette première journée, la fête a battu son plein dès l’après-midi. Les marionnettes géantes ont sillonné les rues et ont amené le public vers le théâtre de plein air, aménagé tout près de la maison de la culture, à l’extrémité de la ville.

Les gradins se sont remplis, au fur et à mesure de la soirée. Certains viennent par habitude, d’autres par curiosité, mais beaucoup sont attirés par le programme « alléchant » de l’ouverture : deux films documentaires qui doivent anticiper la représentation théâtrale en compétition : le premier film décrit l’ambiance de la dernière session du festival, le second est une biographie inédite qui rend hommage à feu Taoufik Boughdir, un critique fidèle à la manifestation. Le festival rend aussi hommage à l’auteur Ezzeddine Madani, au metteur en scène natif de Korba, Moëz Hamza et à l’acteur Hessine Naourra.

Peut mieux faire

Vers 22h30, on monte sur scène. Après un long discours de bienvenue, on procède à la projection des films. Une sorte d’étoffe blanche sert d’écran. L’image est donc mauvaise et le son est inaudible.

Korba, un certain été, le documentaire présenté, n’a pas accroché le public. Les thèmes défilent sans fil conducteur clair et on se perd dans un labyrinthe d’idées sans début ni fin.

Le second documentaire (qui n’a duré que 8 minutes) a été aussi défiguré que le premier par les mauvaises conditions de projection. On voyait Raja Farhat derrière une caméra, poser des questions à Taoufik Boughdir. Ce dernier répondait, l’air sérieux, le visage nostalgique. Difficile de déchiffrer les propos à travers le son troublé par l’écho des orchestres de mariages qui domine l’enceinte du théâtre. Dommage ! Le film de Wissem Boughdir paraît pourtant de bonne qualité.

On décroche l’étoffe, pour céder la place au théâtre. Sur une scène dépouillée, cinq acteurs présentent Première, une pièce dont la mise en scène est de Hamza Achour. Il s’agit d’une parodie. La tragédie de Shakespeare, dont s’inspire l’auteur, devient une comédie. Les acteurs tournent en dérision les règles fondamentales du théâtre classique. Ils caricaturent les personnages réels et en inventent d’autres, plutôt bizarres : on joue un mur « méchant» et la lueur de la lune… Hamza Achour s’est mis en face du théâtre pour mieux l’observer. Il a misé sur le rire et le jeu clownesque pour avancer une lecture plutôt critique du 4e Art d’aujourd’hui. Sa pièce est un jeu de mensonge et de vérité, un miroir à double face.

Un programme fourni

Première donne le La à la compétition. En effet, elles seront six pièces à disputer les prix du festival. Outre cette pièce de la troupe théâtrale Errihane de Hammam-Chott, il y aura Essoltan el haier (Sultan inquiet) de la troupe Ennasim de Nabeul, Eddehliz (La cave) de la troupe Ibn-Rachiq de Kairouan, Jawanih el mahabba (Ailes de l’amour) de la troupe théâtrale de jeunes de Hammam-Sousse, Kol chay (Tout) de la troupe Mohamed Hidri de Béja et Zaman (Autrefois) de la troupe Takyous de Deguèche. Une représentation, chaque soir, suivie d’un débat. Acteurs et metteurs en scène devront défendre leur travail pour convaincre un jury composé des critiques Mohamed Moumen et Lotfi Arbi Snoussi, ainsi que du compositeur Rachid Yedaîss.

Trois pièces professionnelles viennent enrichir le programme. Il s’agit, en effet, de La fille du général Gabler du Théâtre national (26 juillet ), Khouyout el ichka (Ficelles d’amour) du Centre national d’art dramatique et scénique du Kef (27 juillet) et Ibn Rochd aujourd’hui texte de Ezzeddine Madani, qui sera présentée à la clôture, le 4 août prochain.

La rencontre entre professionnels et amateurs se fait aussi à travers deux stages qui s’étaleront sur trois jours: l’un, animé par Fathi Akkari, se basera sur le langage du corps. L’autre, assuré par Moncef Souissi et Mourad Akrout, s’intéressera à la rhétorique et la langue arabe. Un colloque soutenu par la Fédération tunisienne du théâtre, sous la présidence de Moncef Souissi, aura lieu le 1er et le 2 août. Il aura pour thème : « La jeunesse et l’esprit d’amateur ». Un thème qui s’accorde avec l’Année internationale de la jeunesse, cadre de la manifestation.

Le 36e session du festival réserve, à cette occasion, la journée du 3 août au théâtre scolaire.

Une belle rencontre, sans aucun doute, entre jeunes et adultes, amateurs et professionnels qui pourrait être meilleure si la scène était à la hauteur d’un festival vieux de 36 sessions. Les rares événements culturels dans ces régions méritent plus de soutien et plus d’encouragement surtout.

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