3e édition du festiavl du film maghrébin de Nabeul : Hommage à l’IMC, «Rêves et Réalisations»
«Ils étaient des étudiants, différents des autres : curieux et surtout passionnés de 7e art… Ils me posaient souvent des questions auxquelles je n’ai pas toujours de réponses…», se rappelle amusé Kamel Ben Ouannès, critique de cinéma et ancien professeur à l’Institut maghrébin du cinéma (IMC). Rendre hommage à son école et à ses professeurs était une priorité pour Anis Lassouad, initiateur de la 3e édition du festival du film maghrébin de Nabeul.
L’IMC a fermé ses portes depuis 1997, après avoir enfanté quatre générations de réalisateurs et de techniciens. Elle était la première école de cinéma dans tout le Maghreb. L’idée d’une union maghrébine autour du cinéma germe depuis toujours dans les esprits.
Ce n’est donc pas étonnant aujourd’hui que l’initiative de ce festival vienne d’un ressortissant de l’IMC, et que les anciens de cette école applaudissent cette orientation et se réunissent autour de ce festival. «Même si ces générations d’étudiants et de professeurs demeurent dans l’oubli, elles sont, depuis des années, dans la production du cinéma tunisien. Elles sont présentes, devant et derrière les caméras», ajoute Hechmi Joulaq, ancien enseignant.
Le festival a réservé l’après-midi du jeudi 8 septembre à l’hommage à l’IMC, baptisé «Rêves et Réalisations (R au carré)». Un hommage qui s’est déroulé, hélas, devant une salle presque vide. Au programme, la projection de trois films réalisés par trois diplômés de l’Institut : d’abord «Fille-garçon» de Anis Lassoued, suivi d’«Evasion» de Mohamed Ajbouni et enfin «Gharsallah» de Kamel Laâridhi. Chacun relate un rêve. Le premier est celui d’une petite fille de 11 ans, l’aînée de ses frères.
Née dans un petit village, dans le Nord-Ouest du Yémen, perché en haut des montagnes du Hiraz, elle s’est trouvée dans l’obligation d’aider son père à vendre des pièces artisanales aux touristes et de partager avec sa mère les nombreuses tâches ménagères. Elle suit en même temps ses études, en espérant devenir un jour professeur ou docteur.
La caméra de Anis Lassouad l’accompagne dans toutes ses activités, depuis le matin jusqu’au soir. Il a filmé son entourage, sa maison, son école et même la chambre, fermée d’un cadenas, où elle range ses livres et ses affaires personnelles. Hana est haïe par sa grand-mère, parce qu’elle étudie et travaille comme un garçon. Elle est pointée du doigt par une société qui croit que la femme ne doit pas franchir le seuil de la maison. Une honte que le père assume avec dignité. Il aurait, en revanche, préféré que Hana fût un garçon, mais ce n’est pas le cas. La jeune fille déclare, avec le sourire, qu’elle est fière d’être une fille-garçon, différente des autres.
Et le rêve continue… !
Le deuxième rêve est celui d’un homme et d’une femme qui se rencontrent un jour, dans un café. Quelques mots échangés et l’amour éclate. Un tourbillon de sentiments étranges les emporte, malgré eux. La peur les sépare et la passion les rapproche… Ils affrontent ainsi, avec la fragilité de leur amour, la cruelle réalité. Mohmed Ajbouni a essayé, à travers une mise en scène complexe et difficile à comprendre, d’opposer la tendresse à la violence, l’illusion à la réalité, l’amour à la haine…
Quant au troisième rêve, il est celui de Gharsallah. Un personnage étrange qui a hanté le sommeil des habitants d’un petit village au centre de la Tunisie, Dh’hibet.
«Connaissez-vous Gharsallah. Pouvez-vous le décrire ?», demande Kamel Laâridhi, le réalisateur, à des enfants à l’entrée du village. Les mômes éclatent de rire, sans pouvoir répondre à la question. Ils le connaissent à peine, peut-être de nom. C’est auprès des vieux qu’il a pu pêcher les témoignages crus, sans commentaires et des plus significatifs : un fou, un sage, un saint, un hypocrite, un ange, un diable…
Gharsallah est, pour les habitants du village, un homme incompréhensible et mystérieux. Il est enterré dans un mausolée bâti de ses propres mains, devenu un lieu de méditation… Certains le sacralisent, d’autres le maudissent, mais il demeure dans les esprits, même après sa mort…Avec de simples paroles, ce «saint» aurait apaisé les craintes et guéri les maux. «Il a même sauvé ma tante de la mort en égorgeant un bouc», raconte naïvement un enfant. Ce qu’il disait à ses fidèles, personne n’a su le traduire dans ce documentaire. Mais il a eu un impact spirituel très important sur son entourage.
Ce documentaire a montré comment des paroles peuvent influencer toute une communauté, comment elles imprègnent la vie, voire même le rêve, des gens…
Nous terminons le compte rendu de cette journée par le conseil lancé par Hechmi Joulaq aux jeunes cinéastes présents : «Pour vous, le chemin est encore périlleux. Ne baissez pas les bras et ne lâchez pas prise! Continuez à avancer. Il y a encore du pain sur la planche».