Rencontres chorégraphiques de Carthage – Le’P.A.R.D.I d’Agnès Lepelletier au 4e art
Décidément, la 9e session des rencontres chorégraphiques de Carthage n’arrête pas de nous surprendre. Si la «conferdanse» de la compagnie Footwa nous a drôlement secoués, P.A.R.D.I, d’Agnès Lepelletier, représentée mardi dernier à la salle le 4e art, nous a réellement bouleversés. On a compris que pour apprécier «La danse fait sa comédie», il ne faut absolument pas se prendre au sérieux.
Le public s’amuse et se défoule et c’est l’essentiel. Ce nouveau langage scénique qui tourne autour du mouvement, cette narration dansée, cette ironie et cet humour nous laissent perplexes.
On apprend que le danseur est aussi une figure comique. «Au XVIIIe siècle, c’est la morgue et une certaine vanité qui font rire les lecteurs de La Danse ou les dieux de l’opéra que publie Joseph Berchoux (l’ouvrage date de 1806 mais relate des événements plus anciens).
Au XIXe siècle, d’ironiques parodies attestent du succès populaire des grands ballets romantiques (une version de Giselle intitulée Grise-Aile et très irrévérencieuse est publiée dès 1841 par le Musée Philippon, album de tout le monde). Et l’on connaît les sketches et plaisanteries à propos de la danse classique qui courent encore aujourd’hui et brocardent le danseur ou la ballerine», lit-on dans la présentation du spectacle.
Agnès Lepelletier crée une autre manière de rire et construit sa parodie à partir de la situation sociale particulière des danseurs, la brièveté de leur carrière par exemple. Arrivées à un certain âge, la plupart des ballerines deviennent des professeurs de danse. Un rôle qu’Agnès Lepelletie caricature dans sa pièce.
Vêtue d’un tailleur, cette dernière s’est mise dans la peau d’une enseignante aigrie de «l’expresso corporelle», une sorte de traduction en mouvement du langage parlé. La salle devient classe et les spectateurs, élèves. Il y a plus de théâtre que de danse dans cette performance.
Et ce n’est pas étonnant, puisque l’artiste s’est appropriée ce style qui s’installe nettement à la frontière entre ces deux arts. «Avec une question récurrente, explique-t-elle, comment je peux faire de la danse contemporaine sans jamais avoir l’air d’en faire» Sa démarche suppose donc «une entrée qui appartient aux codes du théâtre, avec une danse qui arrive par accident, liée à une histoire.»
Le’P.A.R.D.I est donc une pièce de théâtre parodique et humoristique dont le sujet est la danse. Elle commence par une sorte de conférence où l’enseignante explique à ses élèves et à son compagnon, Pascal Rome, l’historique et la pratique de «l’expresso corporelle». Elle superpose les gestes et les paroles, les mouvements et les textes. Avec son corps, elle «sculpte» les lettres et «danse» des phrases en provoquant à chacun de «ces numéros chorégraphiques» un fou rire assourdissant.
Le délire fut total quand la comédienne danseuse a invité le public à monter sur scène pour traduire une phrase écrite à la craie blanche sur un tableau. Lettre après lettre, geste après geste, les jeunes et les moins jeunes ont appris à parler avec leur corps. Toute la salle riait aux éclats sauf elle, l’enseignante, qui ne cesse d’ajuster ses grosses lunettes sur son nez, en essayant de corriger la posture de ces «danseurs improvisés».
Le mot de la fin a été lancé par «Parole» de Dalida. Agnès, l’enseignante sérieuse, et Pascal, l’apprenti paresseux ont traduit «corporellement» les paroles de la chanson, sous les applaudissements d’un public ravi.
Tant pis pour les assoiffés de danse qui ont attendu en vain les belles performances gestuelles, et les chorégraphies dites «sérieuses» ; tant pis pour ceux qui éprouvent encore le besoin d’apprécier le mouvement avant d’en rire. Mais on ne peut satisfaire tout le monde.