Le feu ravageur…

Zanket âanekni, de Fawzia Thabet

La pièce Zanket âanekni, texte et mise en scène de Fawzia Thabet, a collecté, samedi dernier, mille dinars en prix de billets, qui seront versés au profit des familles pauvres de Sidi Bouzid et de Kasserine. Mounir Argui, directeur artistique, a promis de remettre en mains propres le don aux habitants.

Il n’a pas encore fixé une date de visite, ni une liste des bénéficiaires, mais il compte se rendre le plus tôt possible, en compagnie de Fawzia Thabet et de Jamel Madani (les acteurs de la pièce) aux quartiers les plus pauvres du Kasserine, à commencer par la cité Ezzouhour.

Rappelons que le 27 janvier dernier, le syndicat des métiers d’arts dramatiques avait pris l’initiative d’aller à Thala pour faire parvenir aux habitants une collecte d’argent et de vêtements, collectés auprès des artistes. «Une mission très délicate»,témoigne Sadok Halouène, secrétaire générale du syndicat qui continue : «les habitants n’étaient pas prêts à recevoir des aides matérielles. Ils plaidaient pour des requêtes plutôt juridiques, c’est-à-dire justice pour leurs morts. D’autant plus, que certaines des familles connaissent, de vue et de nom, les tueurs de leurs fils …»

Aux martyrs, Fawzia Thabet, Jamel Madani et Mounir Argui ont rendu hommage à travers Zanket ânnekni, présentée, samedi dernier, à la salle du 4e Art. Leur pièce rime comme un hymne d’adieu. Elle a le goût amer de l’injustice et sent l’odeur nauséabonde de la trahison et de l’hypocrisie.

Fatiguée de toujours mendier une chaleur éphémère et une tendresse mensongère, une femme finit par s’ immoler.

Chaque matin, elle se mettait devant la porte de sa maison, dans une étroite impasse, pour bloquer le chemin de son voisin célibataire. Ce dernier était contraint de l’enlacer à chaque fois qu’il passait… Il l’écrasait contre le mur sans pouvoir, pour autant, écouter ses murmures. Cette femme ne parlait qu’à elle-même et n’entendait que sa propre voix. La solitude l’étouffait, l’indifférence encore plus.

Le texte, fort poétique, tourne autour de l’histoire de cette femme ; de son enfance et de sa mort ; de ses rêves et de ses cauchemars ; des ses ambitions et de ses déceptions ; de sa maison et de son entourage…. Même son bien-aimé, rôle campé par Jamel Madani, semble émaner de son imagination…

Il incarne l’image d’ un prince charmant sur un cheval blanc qui fait flotter, par son passage quotidien dans l’impasse «ânnakni», un parfum d’amour…Mais seule la mauvaise odeur est exhumée…Ce personnage, aimant pourtant, n’est pas capable d’éprouver de l’émotion… Entre elle et lui, l’incompréhension est totale : les mots n’ont pas de sens et les sens n’ont pas de mots…

Chaque soir, en fermant les yeux, cette femme espérait une mort dans le sommeil qui rendrait éternels ses rêves et apaiserait son âme. Une mort qui lui permettrait d’exister d’une autre manière, de vivre l’amour et la paix. Elle voulait se débarrasser de ce corps qui lui faisait mal, de ces plaies qui ne se cicatrisaient pas, de ce quotidien qui ne changeait pas: les mêmes visages, les mêmes voix, les mêmes mensonges, les mêmes vérités…

Le ras-le-bol est lancé, à travers Zanket âanekni, par un feu ravageur qui a tout détruit… Un feu semble annoncer un nouveau départ et une nouvelle existence. Aujourd’hui, tout a changé. Même ce quotidien que l’on croyait éternel n’est plus le même… La Révolte a fait tout basculer à une vitesse vertigineuse. Les idées d’hier ne sont plus d’actualité et le langage théâtral s’est trouvé, soudain, périmé…

Le souffle de liberté donnera-t-il naissance à un nouveau théâtre? On verra bien.

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