Jeune créateur: Ahmed Maâlaoui, ingénieur du son
«J’ai vendu ma moto. Avec l’argent, j’ai aménagé un petit studio sonore dans ma chambre. De là commence ma folle passion pour la composition électronique», raconte un jeune ingénieur du son, Ahmed Maâlaoui, lauréat de la dernière session de la Nuit du théâtre (Scène d’or pour la bande sonore de la comédie musicale L’amour d’un loup de Mohsen Ladab).
Une passion forgée d’abord par le rap, le hip-hop et la musique métallique… Comme de nombreux jeunes de sa génération, Ahmed Maâlaoui a pris, dès ses 16 ans, le chemin de «l’art de la rue» pour chercher sa véritable vocation artistique. Il a composé ses propres chansons, celles de son frère, de ses amis et «de tous les jeunes du quartier», précise-t-il. Il a aussi travaillé comme régisseur du son dans plusieurs concerts.
A 24 ans, cela ne lui suffit plus. «Ma tête bouillonne de sons et j’attends le moment d’exploser comme de la dynamite», s’enflamme-t-il. Maâlaoui dévore tout ce qui est écrit sur les techniques du son, écoute en boucle toutes sortes de musique et précisément les bandes sonores de films… Diplômé de l’Institut supérieur de la télécommunication, tout l’intéresse : la musique, les sons, les nouvelles technologies, le cinéma, le théâtre…
L’occasion de travailler pour le 7e art lui a été offerte par le réalisateur Adel Bekri. «Une chance en or», précise-t-il. Une chance qui lui a permis de réaliser la bande sonore de deux documentaires : Je deviendrai poète et Le vent des désirs, diffusés lors de la dernière session de «Doc à Tunis».
Le compositeur Adel Bouallègue lui a ouvert les portes du théâtre. Avec lui, il a mis en musique la pièce L’amour du loup, de Mohsen Ladab. Ahmed Maâlaoui s’est occupé de l’enregistrement, du mixage et du montage de la bande sonore. Un travail assez délicat qui a nécessité quatre mois de travail. «L’ingénieur du son sert de trait d’union entre le metteur en scène et le compositeur», explique Bouallègue.
Dans cette pièce, le texte est totalement chanté, en voix off, par la troupe Ajrass. Les comédiens, muets, devront ajuster leur jeu au chant et à la musique, qui ont pris d’ailleurs une articulation et une inspiration très théâtrales.
Tout est donc géré note après note en respectant d’un côté le jeu d’acteur et la mise en scène et, de l’autre, les exigences musicales. Le ton, l’expression, les pulsations, le souffle, le silence, le rythme, le mouvement devront avoir leur place sur la bande sonore… «La synchronisation doit être parfaite. Aucune fausse note n’est permise, sinon le travail n’aurait aucun sens», observe Ahmed Maâlaoui.
La perspicacité est la qualité majeure d’un ingénieur du son. Il en est bien conscient. Bien qu’il ait fait ses premiers pas dans le domaine en tant qu’autodidacte, il espère continuer son chemin en suivant une formation académique. Mais là, c’est l’impasse. «Il n’y a que l’école du cinéma de Gammarth qui propose des études dans cette spécialité. Et elle n’admet que 40 bacheliers par session», fait-il observer.
Pour le moment, ce jeune suit le vent de sa passion en composant dans le «dreampop», genre de musique électronique mixant le jazz et le hip-hop. «Un genre qui prend son essence du rêve», précise-t-il encore.
Malgré son jeune âge et son expérience timide dans le domaine, Ahmed Maâlaoui a contribué à la réalisation d’une pièce qui, selon Mohamed Moumen, «nous emporte vers les temps merveilleux des temps sans temps et des lieux sans lieux. En un rien de temps, on est comme ravis aux temps et lieux réels— volés et enchantés à la fois. D’abord, fable oblige, on n’est pas dans l’histoire, on est dans le mythe» (La Presse du 26 mars 2010).