L’impératif d’innover

Rencontre méditerranéenne autour de la création artistique contemporaine

«Mieux se connaître pour coopérer, coopérer pour mieux se connaître», est le thème d’un cycle de débat, dédié à la création artistique contemporaine des pays de la Méditerranée. Il s’agit d’un appel à la coopération et aux échanges artistiques lancé par le Conseil général du Var, organisateur de la manifestation. Plusieurs artistes et acteurs culturels des deux rives de la Méditerranée participeront donc à ce débat, prévu les 1er et 2 octobre à Toulon. Ils viendront d’Espagne, du Maroc, d’Egypte, du Liban, de Palestine, d’Albanie…

La Tunisie ne manquera pas au rendez-vous. Elle sera représentée par un musicien et sociologue, Adel Bouallègue. Ce dernier a été invité par le réseau de coopération culturelle Euromedinculture, qui inaugure ces rencontres. Il interviendra lors de la première journée qui a pour thème les «territoires culturels innovants en Méditerranée». Favoriser le dialogue interculturel et la compréhension mutuelle entre les peuples des deux rives de la Méditerranée constitue un des objectifs de ce réseau.

Ce dialogue permet une meilleure connaissance de la réalité artistique de chaque société et, par conséquent, une coopération plus efficace, «fondée sur des principes de respect et d’égalité entre partenaires», selon la fiche de représentation du réseau. Les intervenants viendront témoigner des diverses pratiques et expérimentations artistiques mises au service de l’innovation territoriale. Ils inciteront ainsi le public à s’interroger sur le potentiel novateur de la culture et de la création artistique dans cette région du monde.

«Ce qui nous manque en Tunisie, c’est une réelle création innovatrice. Rares sont les artistes qui osent franchir les barrières et inventer de nouvelles tendances inédites. Il faut réagir pour susciter l’énergie créative», fait remarquer Adel Bouallègue. Ce dernier évoquera un thème assez délicat : «Innovation créatrice, création innovatrice. La voix libérée dans la musique méditerranéenne et la transmission de l’innovation».

«L’enracinement pour le dépassement»

Bouallègue constate un retour systématique au patrimoine. Selon lui, les artistes, surtout dans le domaine musical, semblent être enchaînés par un héritage patrimonial qui ne leur permet pas de voler de leurs propres ailes. «Pourtant, l’enracinement peut aussi ouvrir au dépassement. Il suffirait de mieux se connaître et de s’écouter pour pouvoir innover. Inutile de se forcer pour se réclamer du patrimoine. Ancré en nous, il surgirait, de toute façon, dans nos créations. Le patrimoine est une partie de nous. Il est le reflet de notre identité», insiste-t-il. Respecter à la lettre des normes bien établies ne peut que nuire à la création. Pour lui, innover veut dire se libérer des contraintes susceptibles de bloquer l’élan innovateur et être en harmonie avec son identité…

«Notre histoire a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui : riche en culture et en art. Nous appartenons à toutes ces civilisations qui ont vécu sur notre territoire. Nous portons en nous leurs gênes et leurs emprunts, leurs arts et leurs cultures. Pour créer, il suffit d’entendre leur murmure au fond de notre mémoire, aussi bien collective que personnel». Innover relève, pour Bouallègue, de la reconnaissance. Si les efforts créateurs tombent dans les oreilles d’un sourd, ils seront très vite avortés. D’où la deuxième partie de son intervention «innover pour créer».

L’artiste considère que les nouvelles expériences sont souvent, mais pas seulement en Tunisie, «marginalisées», «mises à l’écart» : elles sont jugées «hors normes» ; c’est, dit-on à leur propos, du «n’importe quoi !». Pour s’affirmer, certaines troupes se tournent vers les petits festivals qui sont, eux aussi, au bord du gouffre. Le découragement est total. Les artistes se trouvent alors entre deux orientations : soit ils plient bagages et quittent le pays, soit ils restent, mais en se rabattant sur ce qui assure le succès le plus facile…

Créer, alors, serait-ce toujours innover ? La question est ouverte et elle sera longuement débattue lors de cette rencontre.

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