La terre parle arabe de Maryse Gargour, Le cauchemar de Darwin, de Hubert Sauper au 4e art
La clôture de «Doc à Tunis» a été réservée au «coup de cœur» du public, c’est-à-dire à une rediffusion d’une série de documentaires qui ont marqué les sessions précédentes…
Dimanche dernier, au 4e art, ce coup de cœur a frappé comme un coup de poing à l’estomac, avec autant de force que de violence. Au programme, deux films effrayants : La terre parle arabe de Maryse Gargour, suivi par Le cauchemar de Darwin, de Hubert Sauper. La terreur ! La terre parle arabe est un documentaire très bien fourni.
Il se base sur des citations des leaders sionistes, sur des archives audiovisuelles inédites, sur la presse de l’époque et sur des documents diplomatiques occidentaux… Des témoignages de personnes ayant vécu directement cette période viennent appuyer les faits avec leurs contes et leurs histoires.
Gargour croise le regard de l’historien et de l’artiste pour proposer des réponses à des questions que l’on pose sans cesse. Elle explique le comment et le pourquoi d’un exil sans retour et d’une tragédie sans fin… «Avant, musulmans, juifs et chrétiens partageaient les mêmes terres, les mêmes maisons et les mêmes quartiers. C’était notre Palestine à tous», se rappelle un témoin de cette ambiance de paix qui régnait avant la guerre.
Les conflits ont commencé lorsque, vers la fin du XIXe siècle, le sionisme, mouvement politique (juif) minoritaire, apparaît sur la scène internationale. Ils ont choisi la Palestine, «la terre promise», comme un foyer pour l’ Etat juif. Bien avant la déclaration Balfour de 1917, les sionistes ont étudié, calculé et planifié, depuis les pays européens, comment «nettoyer» et «spolier» ces terres et comment transférer la population locale palestinienne hors de son pays…
L’immigration de milliers de juifs a encombré le pays. Et il fallait donc céder la place : «Tu pars ou tu meurs. De toute façon, on était condamné d’avance». Plusieurs témoins palestiniens portent encore sur leurs corps les cicatrices de cette chasse sauvage. Ils traînent toujours des souvenirs brûlants d’un cauchemar vécu pleinement : les balles qui trouent la chair, les couteaux qui tranchent les gorges et les haches qui éventrent les femmes enceintes… Autopsie de l’horreur Le cauchemar continue avec le film de Hubert Sauper.
Sorti en 2005, ce documentaire effraye toujours. Il est époustouflant par la réalité aberrante qu’il montre. En Tanzanie, dans les années 60, un prédateur vorace fut introduit dans le lac Victoria à titre d’expérience scientifique. Depuis, pratiquement toutes les populations de poissons indigènes ont été décimées. Aujourd’hui, la chair blanche de cet énorme poisson est exportée avec succès dans tout l’hémisphère Nord, faisant la fortune de plusieurs pays européens…
La marchandise est transportée par d’immenses avions-cargos de l’ex-URSS qui déversent d’énormes caisses remplies d’armes. En même temps, sur les rives du plus grand lac tropical du monde, considéré comme le berceau de l’humanité, la misère se nourrit des corps des enfants affamés avec sang-froid. On assiste à ce «festin», les yeux grands ouverts et l’estomac noué par la douleur de l’impuissance et de l’injustice. On refuse de croire à cette vérité qui se cache derrière l’hésitation et les réponses erronées. On refuse d’admettre ce vécu qui, comme une dynamite, éclate, défigurant tant de visages…
Sur l’écran, défilent pêcheurs, politiciens, pilotes russes, industriels et commissaires européens, prostitués, malades du sida, mômes mutilés inhalant de la colle… Ils sont des acteurs d’un thriller terrifiant où les questions mènent à des constatations aberrantes et d’où découlent à flux continu un lourd désespoir…
Impossible de voir le bout du tunnel. On est pris dans un cercle vicieux. Le cercle infernal du malheur.
En un mot, ce film saisissant à couper le souffle a réussi à mettre en images un cauchemar sans fin.