“Pina Jackson in Mercemoriam” de la compagnie Foofwa
“Pourquoi ne pas laisser place à la fantaisie, aux formes joyeuses, burlesques, grinçantes, loufoques? Pourquoi ces formes relèveraient-elles exclusivement du cabaret, du show business, tout au plus du simple divertissement, jamais de l’art avec un grand A?”, a déclaré Syhem Belkhodja, à la Presse (supplément art et spectacles du 30 avril 2010).
Oui! Pourquoi pas? Sauf que rire à gorge déployée dans un spectacle de danse nous paraît étrange.
Nous sommes habitués à assister à des spectacles “sérieux”, traitant de sujets plutôt “tragiques” et la pièce de la compagnie Foofwa, “Pina Jackson in Mercemoriam”, représentée dimanche dernier au 4e art, nous a drôlement secoués. Le danseur- chorégraphe suisse a mis en scène “un triple hommage “humoriscritique” vivifiant”. Son solo rigole de la mort de trois grands de la danse, à savoir Michael Jackson, Pina Bausch et Merce Cunningham, décédés à cinq semaines d’intervalle.
Dans la salle, plusieurs spectateurs ne connaissent pas ces deux figures marquantes de l’histoire de la danse moderne. Le danseur s’est senti donc obligé de les présenter avant la représentation. Son texte a été lourd certes, mais nécessaire pour la compréhension de la pièce.
Il a expliqué les deux démarches chorégraphiques diamétralement opposées, que ces chorégraphes ont imposées à la danse moderne. “On peut dire que ces artistes ont divisé la danse en deux branches, l’une dite “abstraite” et l’autre “émotive”. Ces branches se croisent parfois et s’éloignent quelquefois. Quant aux oiseaux, ils sautent de l’une à l’autre dans un manège continu”, résume Frédéric Gafner.
Pour raconter cette histoire d’une autre manière, plutôt artistique, le danseur a ôté son jogging, mis un costume de paillettes et s’est plongé dans les sphères de l’Au-delà. Les artistes morts sont éveillés dans l’Enfer, schématisé par la lumière rouge. Là-bas, Frédéric Gafner a imaginé la rencontre de ces âmes errantes, il a superposé les styles de danse et il a fait ressortir de leurs corps les monstres malfaisants. Une fois les âmes purifiées, elles sont passées au paradis sous une douche de lumière.
A chaque artiste une manière de danser que le chorégraphe a adaptée dans la mise en scène des “dialogues”. Michael Jackson parle et Frédéric Gafner a exagéré ses rotations et ses gestes de “thriller”. Quand il a abordé Pina, c’est en petits gestes anodins et répétés des bras et du buste qu’il a mené les mouvements. Il a caricaturé sa manière excessive d’interroger le corps pour en dégager une émotion extrême.
Les mouvements sont devenus plus carrés et brusques, plutôt verticaux, quand il s’agit de Merce Cunningham, le chorégraphe de l’intelligence et du hasard. Celui qui a créé la danse “pudique”, tenant l’émotion à distance. Architecte de son et de geste, Merce Cunningham croit à la magie de la rencontre.
“C’est seulement le jour de la première que la danse, la musique et les œuvres plastiques se superposent en une rencontre artistique ouverte”, explique Frédéric. Profondément influencé par Cunningham, Frédéric Gafner a fait surgir de son corps la musicalité de la pièce. Il donne l’impression d’improviser et de monter ses mouvements selon les exigences de la scène. Rien ne paraît sérieux dans cette mise en scène plutôt fantaisiste.
Certes, l’histoire était originale, et du danseur émanent une grande souplesse et une belle élégance, mais il y a eu plus de mots que de gestes, plus de discours que de danse et plus d’erreurs techniques que de performances artistiques. Des erreurs que le danseur a essayé de gérer, d’ailleurs, sur scène en les tournant en dérision… le rire y est. Quant au plaisir, c’est moins sûr.