Cinéma : Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun au 7eart et au Mondial
Lorsqu’on a besoin d’une escapade, d’une coupure avec le monde extérieur, avec ce petit écran auquel on est scotché depuis presque deux mois, avec des débats qui brouillent les esprits et des cris qui cassent les tympans, avec le massacre en Libye et les réponses erronées de Gueddafi…la salle sombre nous assouvit et nous apaise…
Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun, sorti en septembre 2010 et lauréat du Grand prix du jury à Cannes, tombe à pic. Ce film est proposé, dans les salles du 7e art et du Mondial, par le Ciné-club CinémAfricArt, qui ne chôme pas, malgré la grève du personnel de l’hôtel Africa.
Un homme qui crie raconte l’histoire d’Adam, la soixantaine, ancien champion de natation et maître nageur à la piscine d’un hôtel de luxe de N’Djamena. Lors du rachat de l’hôtel par des repreneurs chinois, on l’oblige à céder son poste à son fils Adel, un jeune de vingt ans. Envieux malgré lui, Adam ne se laisse pas faire. Sous la pression de son chef de quartier, il confie son fils à l’armée pour répondre à l’appel lancé par le gouvernement pour un «effort de guerre».
A cette époque, le Tchad était en proie à la guerre civile et les rebelles armés menaçaient le pouvoir… Son regret devient insupportable lorsqu’il découvre que la compagne de Adel, qui a déménagé chez lui pour être proche de la famille de son bien-aimé, attend un bébé…
L’homme crie en silence. Il n’y a presque pas de dialogue. Les mots émanent des gros plans, des longues séquences et d’un lent rythme qui peignent l’atrocité d’une sourde souffrance.
Les images sont chargées d’expressions et d’émotion. Sans effets spéciaux spectaculaires, ce film bouleverse et émeut. Il dépeint, avec beaucoup de finesse, la relation entre père et fils, teintée d’amour et de rivalité; il condamne une guerre insensée. Sans tambour ni trompette et sans dénoncer la famine, il raconte pourtant si bien la misère de l’Afrique noire…
Un homme qui crie est une œuvre sincère, sobre et artistiquement élégante. La traversée du désert sur une moto ne laisse personne indifférent ainsi que cette image bouleversante du cadavre du jeune Adel, flottant dans une rivière, au crépuscule, ballotté par les petites vagues, provoquées par la marche errante d’Adam.
Dommage que le public fasse encore défaut dans les salles de cinéma. Apparemment, le démarrage des activités culturelles est encore timide mais il se laisse sentir. C’est sans doute un très bon signe…