Tel père, tel fils

Journées cinématographiques de carthage : Zmanna, de Jalil Daoud

Derniers échos de ces JCC, dont les résultats de la compétition sont désormais connus mais pas encore à l’heure où nous imprimions. L’histoire de Zmanna est celle d’un pardon lancé à travers le silence du désert. Un pardon demandé en anglais par un père marocain à son fils suédois, après 30 ans de séparation.

A travers Zmanna, de Jalil Daoud, le père fait à sa progéniture l’aveu de son irresponsabilité, de sa lâcheté et de son égoïsme. Il a reconnu qu’en étant acteur, la vie de « troubadour » l’intéressait plus que celle de l’homme attaché à son foyer. Johann Danielsson est parti vivre en Suède avec sa mère quand il avait 4 mois. Depuis, les liens sont rompus.  » Il ne parle pas français ; je ne maîtrise pas le suédois. Toute communication a été impossible « , raconte Jalil Daoud dans son documentaire.

Des années passent et le père continue son cinéma, jusqu’au jour où il décide de tourner un documentaire.  » Je cherchais un sujet « , confie-t-il lors du débat qui a suivi la projection. Pour cela, il s’est posé les mêmes questions qui le hantaient jadis et qui le brûlaient à petit feu depuis 50 ans… Qui est-il ? D’où vient-il ?

Zmanna est donc l’histoire d’un fils qui cherche son père et celle d’un père qui cherche son fils.

Jalil Daoud est parti de ses propres souvenirs d’enfance, de ses promenades au bord de la Seine en France, à côté d’une mère belle et élégante, de son retour définitif à Marrakech, par le détroit de Gibraltar… puis de  » ses retrouvailles  » oniriques avec ce père mort dans le cimetière punique et de son errance dans le labyrinthe de la médina… Enfin de ses rêves juvéniles dans les salles sombres de la ville…

Devenu adulte, il part sur les routes du Maroc, en quête du moindre indice révélant l’identité d’un père dont il ne connaît que le nom et la date du décès… Le hasard l’a bien servi. Il retrouve la famille Ben Arbi et la maison paternelle. Mais le mystère continue à rôder autour de Abderrahmen, son père. Ce dernier est parti de chez lui, à l’âge de 12 ans, sans donner de nouvelles… Il est porté disparu.

Jalil Daoud s’est réconcilié avec ce père absent. Il lui a pardonné ses erreurs sans même connaître leurs raisons… A ce père « retrouvé », il raconte maintenant sa propre histoire et celle de son fils. Les images se croisent : la boue et la neige ; le foot et le ski… Du Maroc, on part en Suède.

Johann Danielsson, qui parle aujourd’hui anglais, accueille son père à cœur ouvert, l’introduit dans sa famille et le présente à ses collègues… Mais plusieurs questions restent en suspens. Jalil décide de faire découvrir à son fils le Maroc et ses origines paternelles. Il part avec lui pour un long voyage à travers le pays en espérant éveiller chez ce jeune Suédois une étincelle maghrébine…

Ce fils « étranger », pourtant brun, avec sa peau mate et son allure de cavalier, ressemble pourtant davantage aux touristes nordiques qui débarquent sur une terre d’Afrique avec des idées préconçues… Jalil a filmé avec beaucoup de sincérité le choc culturel. A travers tout le voyage, il a fait parler l’image en braquant sa caméra sur le visage, le regard et les expressions de son fils, comme s’il voulait arracher des réponses aux nombreuses questions qui se posent, écouter les non-dits et éveiller les émotions…

« C’est dans ce désert que Johann m’a appelé pour la première fois « papa ». J’ai pleuré et j’ai demandé pardon », nous confie Jalil Daoud.

Leave a Reply