Vient de paraitre: Metline, de Mohamed Naceur Guellouz
«Les habitations aux toits andalous et aux courbes si douces sont accrochées au flanc de la montagne, formant un long ruban blanc étalé sur un tapis vert. Dans ce ruban se dessine une mosquée que l’on repère par son minuscule minaret et qui est encadrée de part et d’autre par deux zaouias (…)», p16, écrit Mohamed Naceur Guellouz, dans son livre Metline, pour mener une guerre contre les façades des maisons «dont la finition laisse toujours à désirer».
Evidement, ce beau paysage, qui existait jusqu’aux années 50, a disparu à jamais. Metline ressemble désormais à toutes les villes «modernisées» de la Tunisie: les villas à étages uniformes «maculent» progressivement ce ruban blanc décrit par Guellouz. Les maisons aux styles architecturaux quelconques ravagent les «estrades» du village perché.
L’auteur de ce livre n’est ni écrivain, ni historien. Il est un ingénieur topographe et un directeur à la somatra-get (société Générale d’Entreprises, de Matériel et de Travaux), qui se révolte contre la perte d’une identité et d’une culture.
Son ouvrage, écrit en deux langues (arabe et français), est vendu dans une librairie au centre-ville de Metline, tout près du souk à grande affluence. On le pose sur le comptoir, à portée de main. Même si la couverture n’est pas captivante, on le feuillette quand même et on l’achète parfois.
Ce fonctionnaire a employé tous les moyens stylistiques pour dresser, à sa manière, la biographie de cette ville. Il exploite tous documents écrits sur Metline, en les nourrissant de ses souvenirs d’enfance et de jeunesse les plus intimes. Il parle des paysages qu’il admirait, des odeurs qu’il sentait, des sons qu’il captait… Rapportés «au fur et à mesure de leur montée du fond de ma mémoire et au gré de leur jaillissement désordonné».
Guellouz fait le guide au lecteur. Il commence par lui indiquer les chemins qui mènent à Metline. Une fois arrivé, il lui décrit l’entrée de la ville, telle qu’elle figure dans sa mémoire. Une entrée parsemée «de jardins en escalier, plantés d’amandiers», et aux habitations «de blancheurs laiteuses». Il l’amène ensuite vers une visite à travers les «Hwim» (quartiers), en peignant les maisons et les cimetières, les rues et les ruelles, les sentiers et les aires, la végétation et les oueds…
Il précise les noms des familles qui habitent ces endroits, leurs histoires et leurs origines. Il s’arrête même aux principaux points d’eau de la région, à savoir Aïn Bled, principale source du village et Aïn Dahas, d’où germe la célèbre prune «Aouina Mételia». Il rend aussi visite aux différents marabouts, plantés de part et d’autre du village.
Us et coutumes
Après cette visite à travers les sentiers du village, Guellouz invite le lecteur à s’introduire dans l’intimité de ses souvenirs familiaux: le dîner chez son oncle dans un de «ces jardins où on accède par une petite ouverture taillée en chicane dans le haut rideau de cyprès qui le clôture»; la baignade à la Oura Djebel et à cap zébib ; le jour de l’Aïd chez oummi El Hadja, la grand-mère qui dirigeait toute la famille ; le mariage de ses grands-parents …
Il rapporte, en vrac, les us et les coutumes du village depuis le rituel du mariage jusqu’à celui du décès, en passant par le «n’fes» (la naissance), le «sebaa» (le 7e jour) , le «F’tam» (le sevrage), le «karkouch» (percée de la première dent), le «t’hour» (la circoncision), le mois de ramadan…
Guellouz raconte son premier jour d’école et ses émotions lors de l’éclatement de la Seconde guerre mondiale… Il semble écrire spontanément, sans fil conducteur clair. Le puzzle est certes éparpillé, mais chacune de ses pièces renferme une beauté particulière qui mérite d’être développée.
Mohamed Naceur Guellouz n’a pas la prétention d’écrire de l’histoire mais il a mis, comme il avait dit lui-même dans sa présentation, «les premiers jalons d’un travail qui peut être complété par les jeunes de la génération actuelle». Metline est plus qu’un livre d’histoire, c’est surtout un appel au «sauvetage» qui devrait être entendu pour sauvegarder un patrimoine en voie de disparition.